A travers l'Esquisse ...

Première approche du modèle freudien du psychisme

Olivier Douville, Alain Maruani, Monique Thurin, Jean-Michel Thurin

FORMES ET PROCESSUS DE PENSEE ou LE COGNITIVISME A L'EPREUVE DU DESIR, par Alain MARUANI


Voici le titre originel de mon exposé : "Le cognitivisme a l'épreuve du desir" ; je vous en propose un autre, qui est celui-ci : "Un physicien à l'épreuve de l'Esquisse".
Je vais en effet vous relater un cauchemar. Jean-Michel THURIN a tout à l'heure été trop indulgent pour mes capacités pédagogiques, en disant que je traitais des problèmes simples; là je garantis que vous allez avoir un exposé auquel vous n'allez rien comprendre; et il y a une raison très simple pour laquelle vous n'allez rien comprendre, c'est que je n'y comprends rien moi-même. Moyennant con... moyennant quoi (éclats de rire), je vais essayer de vous dire un certain nombre de choses que je crois avoir décodées. Observation n° 1 : Avec les critères les plus couramment utilisés, ou plutôt attendus pour la littérature scientifique, l'Esquisse ne serait pas, ou n'est pas un texte scientifique. Plusieurs thèmes sont mal définis ou même pas définis du tout ou définis de manière indue. Par exemple, on emploie un mot avec un sens différent de son sens usuel ; par la suite, on fait fonctionner le sens usuel. Ce qui apporte des conclusions extraordinaires; ou alors le sens des mots varie au cours du temps, lentement mais inévitablement.
Les processus sont mal identifiés.. On ne sait pas toujours dans quel registre, primaire ou secondaire, on se trouve. Question sémantique ou question réelle ?
Processus ad hoc: ce serait peut-être là le critère le plus sévère que j'aurais à émettre dans le discours un peu discordant que je tiens en ce moment. En effet, ce que l'on attend d'une théorie scientifique, c'est qu'elle obéisse à un principe énoncé jadis par OCCAM qui consiste à dire essentiellement : moins votre théorie contient d'hypothèses de départ et meilleure est sa qualité. Plus elle est pauvre en principes premiers plus elle est riche en pouvoir prédictif.. C'est une convention qui vaut ce qu'elle vaut mais elle est au moins esthétiquement agréable. Or, chaque fois que dans ce texte on se heurte à une difficulté, alors on invente le mécanisme ad hoc et là ça marche forcément, par construction. Jean-Michel THURIN en a donné un exemple tout à l'heure, il y a y, il y a j, et il y a w . Qu'un truc arrive dont aucun de nos trois lascars ne peut rendre compte eh bien très bien on concocte les écréteurs et le tour est joué. Que fait-on ensuite des écréteurs? Et bien ils sont là et ils attendent le phénomène suivant...
En dépit de toutes ces difficultés j'ai trouvé un très grand plaisir à lire l'Esquisse parce que, en filigrane, il y a des idées d'une très grande profondeur. On y retrouve des éléments que de manière tout à fait indépendante les neurophysiologues, les mathématiciens, les physiciens, etc.... redécouvrent.... C'est mal dit dans l'Esquisse parce que le formalisme adéquat n'existait pas à l'époque. Cela m'a fait penser à ce que j'avais parcouru antérieurement des oeuvres de KEPLER sur la mécanique des astres. KEPLER a donné des lois reliant la taille de l'orbite d'une planète au temps qu'elle met à la parcourir. En mathématiques cela s'exprime en 4 ou 5 symboles. Kepler mettait une page pour décrire tout çà; c'est souvent incompréhensible, mais c'est là. L'impression que l'on a en lisant ce livre de KEPLER est celle d'un livre écrit par un somnanbule. La formulation de cette idée appartient à Koestler.
Or là, c'est très différent. Ce qui est posé dans l'Esquisse sera développé de manière inlassable dans l'oeuvre de FREUD. Les idées sont là, au formalisme près. Débarrassé de ses redondances, de ses fioritures, de cette mousse, on aurait là un véritable joyau. Voilà mon atrabile déversée sur le texte mais au fond quel texte?
Le texte que j'ai eu entre les mains a commencé par être la traduction canonique du PUF et puis j'ai lu un autre livre sur l'Esquisse et j'ai comparé les traductions. J'ai vu des incompatibilités fortes. Je me suis dit : mais qu'est-ce qu'il a dit, FREUD ? Et j'apprends que le texte en allemand n'est pas aisément disponible. Alors il faut se frayer un chemin entre plusieurs traductions (c'est à dire lire et relire) et prendre chaque fois celle qui nous fait le plus plaisir... J'ai relevé quelques différences de traduction qui pourraient paraître dérisoires mais qui sont importantes si l'on a en vue la formalisation ou si vous préférez la traduction en langage actuel de la théorie de FREUD.
Là où l'un parle de particules "identifiables" l'autre parle de particules "distinguables". C'est tout autre chose.
Ici, on parle d'une "théorie qui ne s'adapte nulle part". Voilà donc un modèle valide pour un cas particulier et complètement inopérant ailleurs. Ailleurs, c'est beaucoup plus doux. On dit que "la théorie ne se réfère à rien d'autre." Celà veut dire qu'il s'agit d' un échafaudage intellectuel bâti pour expliquer un corpus donné de processus.
Là où l'un parle de "processus", l'autre dit "état"; or "état" sous-entend quelque chose de stationnaire, invariant au cours du temps. C'est important de savoir si l'on a à faire à un processus ou à un état. Le contexte ne permet pas de bien séparer les choses.
Il arrive que des traducteurs y mettent de leur cru. Là, où l'un traduit une phrase l'autre met entre crochets une "explication" : "il s'agit du courant circulaire". Lisez 2O pages avant, 2O pages après, aucune trace de ce courant circulaire.
Certaines traductions font de FREUD un cuistre, mettant sous sa plume: "je veux mettre au point un processus incontestable". D'autres pour le même passage traduisent: "ce qui est écrit c'est un processus sans contradiction". Et ainsi de suite...
J'ai pris là un échantillonnage sur un nombre petit de pages, sur un total de 15O... et je me suis dit, devant ces difficultés, voyons ce que les savants en ont écrit. J'ai trouvé un livre où je pensais trouver une explication à mes angoisses : "Le "Projet de psychologie scientifique" de Freud : un nouveau regard" de K-H PRIBAM et M-M GILL (PUF 1986) et en fait, cela n'a fait qu'empirer les choses, les commentaires obscurcissant le texte autant qu'ils l'éclairent.
Par exemple on explique: "ce principe d'inertie découle du premier principe de la thermodynamique, qui dit que...." suivent quelques phrases sans aucun rapport avec ce principe. Autre exemple: à propos de ce que veut dire FREUD sur la "structure moléculaire de la chaleur", on parle d'un chariot qui freine et de chaleur dissipée quelque part; et on précise: la structure moléculaire de la chaleur est différente de celle du véhicule. Dernier exemple: on définit l'investissement comme "de l'énergie dans un état particulier, dans des neurones particuliers"...
Je me suis donc résolu à une empoignade directe avec un texte. Il devrait être clair à ce niveau-là que je ne peux que relater la position d'un technicien devant un texte dont il sent confusément qu'il a beaucoup de choses à dire.
Je crois que FREUD lui-même était conscient des difficultés de son texte. J'ai recopié une lettre écrite le 1er Janvier 1896 à son ami FLIESS, (l'Esquisse date de I895) où il explique l'espèce de hiérarchie entre les neurones w , j et y :
"Les voies nerveuses qui partent des organes terminaux ne conduisent pas de quantités, mais le caractère qualitatif qui leur est propre. Elles n'ajoutent rien à la somme des neurones y et ne font seulement que mettre ces neurones en état d'excitation. Les neurones de perception, w , sont parmi les neurones y ceux qui ne peuvent avoir qu'un très faible investissement quantitatif. La rencontre de ces très minimes quantités avec la qualité que leur transmet fidèlement les organes terminaux (sic) détermine la production du conscient. J'en suis venu à intercaler ces neurones de perception entre les neurones j et les neurones y; ainsi, j transfère sa qualité à j et j ne cède ni qualité ni quantité à y mais ne fait simplement qu'exciter y c'est à dire qu'il indique à l'énergie psychique libre la direction qu'elle doit prendre."

Ce que dit la phrase citée, c'est que l'ordre est j , w et y alors que Jean-Michel avait indiqué j , y et w . Il y a une permutation entre y et w.
Je vous découvre la phrase suivante de FREUD : "Je me demande si tu arriveras à comprendre ce charabia.", page 126 (rires...).
Ces quelques lignes suscitent nombre de questions. Par exemple, celle de la rencontre de quantités avec des qualités. Quand une quantité rencontre une qualité qu'est-ce qui se passe ?
Ce qui se passe pour moi, c'est une question. Quelle est la nature de l'interaction quantité-qualité ? Le physicien a une idée assez claire de cela. Jetez un caillou dans des vagues, vous obtenez des éclaboussures: c'est la diffraction. Or, ce n'est pas ce qu'on voit là. Quelle est alors la nature de l'interaction? Qu'est-ce qu'il y a derrière le mot rencontre ?
Autre exemple: w ne cède ni qualité, ni quantité à y. Il ne fait qu'exciter y. Sur le plan du mécanisme, une telle proposition est difficilement compréhensible pour la raison que les seuls objets mobiles, dans le modèle de FREUD, sont les quantités et les qualités. Ca circule, ça diffuse, çà se se répartit, çà se tamponne, tout ce que vous voulez, mais en dehors de cela, il n'y a rien. Le neurone y ne peut donc que recevoir et transmettre ou bloquer des qualités ou des quantités. Ce que dit le texte c'est que ce neurone ne fait transiter ni qualité ni quantité mais il excite le neurone y. Quel est le vecteur de l'excitation ? Quel est le nom du messager, sachant que ce n'est ni qualité, ni quantité qui partant de w arrive à y en lui disant : "excite-toi" ?

QUESTION : Une information ?

MARUANI : Oui, une information. Mais çà ne donne pas le nom du messager, c'est-à-dire le support matériel de l'information. Pour le moment les seuls supports matériels sont des quantités ou des qualités, des ondes ou corpuscules.

QUESTION : Est-ce que c'est ce qu'il appelle : l'énergie psychique libre ?

MARUANI : Non, on le verra tout à l'heure, il s'agit ici du mécanisme de l'attention.
Si j'insiste de manière très lourde là-dessus c'est peut-être pour faire ressortir toute l'admiration que j'ai eue tout à l'heure à entendre l'exposé de Jean-Michel....qui finalement nous a donné une idée fausse; l'idée fausse, c'est que tout celà est simple, clair .. il a extrait un signal d'un foisonnnement de complexité, c'est une performance.
Faute de mieux, j'ai mis sur un dessin la manière dont je me représentais cela (Schéma n° 1). Le neurone w établit l'information entre j, et y.
Je vais maintenant vous parler du cognitivisme. Le cognitivisme c'est la science de la cognition. Je parle ici sous le contrôle, comme dirait Jean-Michel, de GRUMBACH, qui est un cognitiviste de renom international; interromps-moi Alain, à chaque bourde que je dirai.

GRUMBACH : Allez, Allez... Tu es complètement...

MARUANI Pas du tout, c'est peut-être la seule chose de vrai dans tout ce que j'ai dit.
...C'est donc une science de la connaissance, avec tous les outils de la science ordinaire : des méthodes, des hypothèses, des épreuves, des choses réfutables, des expériences, tout l'apparatus... Mais il y a quelque chose de spécifique dans le cognitivisme c'est qu' il est lui-même son propre objet. Le physicien étudie la chute des corps mais il n'étudie pas son activité de physicien. Or, le cogniticien se pose la question : je sais, mais comment sais-je que je sais et comment sais-je que je sais que je sais ... Cette filiation infernale, qui irait à l'infini si l'on n'y prenait garde, est un aspect spécifique du cognitivisme. Elle est autoréférentielle.
A ce titre, elle est soumise à toutes les difficultés de l'auto-référence. Par exemple, ceci n'est pas la projection d'un texte écrit à l'encre bleue (schéma n° 2). Comment réfuter ca ?
Donc, le texte de FREUD, difficile en lui-même, a pour objet une discipline qui est par essence (je n'ose pas dire contradictoire) compliquée. Bertrand Russell, Gödel et tous les autres ont écrit là-dessus des choses admirables... Cognitivisme navigue entre cognition et connaissance. Au Moyen Age, la différence entre la volonté et volition a fait les délices des scolastiques. Nous parlions tout à l'heure de la différence entre les signifiants et le signal, cela fait le délice de qui veut s'y adonner.
J'ai mis cela au sommet d'une étoile à 5 branches: La cognition c'est un assemblage de deux objets. Objet N° 1 : la connaissance, corpus organisé de propositions. Socrate est un homme. Je sais que les hommes sont mortels, etc... Objets N° 2: des éléments moteurs, par exemple un enfant s'apprête à traverser en courant, un bus passe. Je déclenche la main pour l'arrêter. Il y a l'association de la connaissance que j'ai de la situation de l'autobus avec l'acte moteur. Au centre de cette étoile, quelques ingrédients. D'abord un vaste chapeau que l'on appelle aujourd'hui : psychologie cognitive et qui inclut l'étude des phénomènes de mémoire, d'apprentissage, catégorisation, verbalisation, attirance, etc... C'est là que se situe l'Esquisse. Il y a des produits dérivés de tout cela. Jean-Michel parlait d'économie tout à l'heure. Je remploie le mot au sens banal, usuel du terme. L'anthropologie cognitive existe. Voilà un premier pôle.
Deuxième ingrédient : la linguistique, le langage, comme objet structuré.
Troisième ingrédient: Les neuro-sciences; c'est un énorme attracteur, une discipline qui connaît depuis ces cinq dernières années un développement extraordinaire. Le fait que ce développement se déroule aujourd'hui est dû à tout sauf le hasard. Il se trouve que la psychanalyse a une position marginale dans ce courant. Il s'est tenu récemment à Paris du 6 au 9 Juin 88, le premier congrès européen sur les neuro-sciences. C'était surtout technique. Il y avait des physiciens, des mathématiciens. On a pu faire venir un psychologue, mais quand j'ai dit que la psychanalyse tout çà......, on m'a fait comprendre, très gentiment d'ailleurs, que ce n'était pas à l'ordre du jour. Il y a des progrès à faire. On a entendu, ici-même, qu'on n'a -peut-être- rien à nous dire; c'est important ces neuro-sciences parce que nous utilisons des modèles sur la manière dont marchent nos neurones; ces modèles nous donnent des idées sur la manière de concocter des machines qui puissent simuler le fonctionnement de ces neurones réels. C'est quelque chose sur laquelle je reviendrai en fin de cette journée.
Des idées maintenant sur un autre pôle d'attraction qui est celui de l'intelligence artificielle. Le but du jeu est de modéliser puis de reproduire tout ou partie du fonctionnement du système.
La flèche (schéma n°3 ) marche dans les deux sens parce qu'on veut
pouvoir dialoguer avec ces machines, on a besoin de savoir comment correspondre avec un système. Un système neuronal ou un autre système. Intelligence artificielle est un terme qui date de 1945, c'est John Mac Carthy qui en est l'inventeur; il y a eu une compétition très intéressante entre lui et Herbert SIMON qui proposait plutôt un traitement complexe de l'information. Intelligence artificielle a été jugé plus sexy. S'il fallait mettre une date sur la première performance de l'intelligence artificielle, je proposerais 1948: Mac Cullogh et Pitts, un physicien et un neurologue, ont montré comment des systèmes matériels étaient capables d'opérations logiques. C'est un résultat extraordinaire; aujourd'hui cela paraît banal. Le fait d'aborder la logique avec des machines et ce que cela a sous-tendu comme conceptualisation et effort, c'est enthousiasmant.
Si je parle avec tant de détails sur cela, c'est que nous avons en vue, au groupe Science, de participer à cet effort.
Enfin, il y a l'épistémologie qui s'interroge sur l'origine et la nature du savoir. C'est un peu une méta-connaissance. Comment comprendre qu'on puisse parler comprendre, c'est toujours autour de percevoir, penser et agir.
Le but, tel que je l'ai compris, est de concilier psychologie et cognitivisme. Vaste programme. Il est évident que si l'on dit a priori que psychologie et cognitivisme n'ont rien à se dire, on est dans le champ des propositions auto-réalisatrices. Par contre, si on se pose la question : essayons de voir s'il n'y a pas des liaisons qui peuvent s'établir, on n'est limité que par sa propre imagination, bonne volonté etc. Voilà le projet.
Tout cela débouche sur une théorie de la pensée et de la conscience fondée sur le mécanisme de l'attention. L'attention (schéma n° 4), je l'ai écrit en rouge : théorie de la pensée c'est une vieille histoire. Elle remonte à ma connaissance aux travaux tels qu'ils ont été retranscrits de PLATON, ARISTOTE... Sautons des siècles... HOBBES s'en était occupé : "Comprendre, c'est manipuler des objets matériels. Raisonner, c'est calculer. Calculer c'est manipuler des objets matériels. "
Or, si l'on transcrivait l'Esquisse en langage scientifique contemporain, on y retrouverait la théorie de l'information, la théorie du contrôle, la théorie des systèmes et aussi des concepts très élaborés qui sont là mais exprimés en langage naturel et non pas dans le langage compact auquel nous avons l'habitude lorsque nous en parlons. Voici quelques éléments.
Les mécanismes responsables de la cognition sont les processus secondaires. Une telle proposition résulte -et c'est cela qui est admirable, de manière générale, dans l'oeuvre de FREUD- d'une véritable démonstration. Des raisonnements extrêmement compliqués, savants, rigoureux et voilà c'est le résultat. Tout autre proposition serait absurde dans le cadre des hypothèses
de départ et qui ont été énoncées.
Le désir relève de processus primaires, résulte de l'activation de traces mnésiques agréables mais en cas d'activations excessives et s'il n'y a pas de processus de sauvegarde, celà peut donner lieu à l'hallucination. Le mécanisme de ces processus de sauvegarde (inhibition) est détaillé à la page 342 de l'édition PUF.
La conscience : Le moi, comme l'a développé Jean-Michel n'est pas préparé d'avance. Comment les choses arrivent-elles à se focaliser? Je vais vous épargner la circuiterie neuronale très compliquée qui en rend compte, pour la résumer en langage d'aujourd'hui: Il s'agit d'un processus auto-adaptatif: Une entrée est transmise à un système interne. Ce système interne transforme ce signal puis le réinjecte à l'entrée jusqu'à ce qu'il y ait identité entre l'entrée et la sortie; tel est le processus de reconnaissance.
Il y a souvent mélange dans le travail de FREUD entre ce qui est quantité et qualité. En plus, on rencontre des concepts comme l'impulsion, l'énergie, l'effort, le plaisir et le déplaisir. Quoi est quoi dans tout celà? Est-il possible de classer tout ce qui intervient dans l'Esquisse en objets genre quantité d'une part et objets genre qualité d'autre part ? J'ai essayé de le faire et le résultat auquel je suis arrivé est le résultat écrit suivant: (schéma n° 5). Intriguant et remarquable, vous pouvez faire avec cette classification de la décalcomanie, avec ce qui se passe en physique.
Là, il y a impulsion, énergie, effort, on voit bien ce qui se passe, on voit bien les idées mécaniques. Or, il y a des concepts avec un sens technique précis en physique: travail, impulsion. Les mêmes mots désignent des choses un peu différentes mais ça marche !
On peut donc, me semble-t-il, retraduire celà en termes de physique. Repensez au poids. Voici un objet qui pèse 1 kg et un autre objet qui pèse 2 kg; le tout pèse 3 kg. Une variable telle que la masse s'appelle variable additive en ce sens que la variable pour le tout est la somme des variables de chacune des parties. Maintenant, il y a d'autres variables qui ne sont pas additives. Prenez un litre d'eau à 2O° mélangez-le à 2O l d'eau à la même température, vous obtenez 21 l d'eau à la même température de 20° degrés. Ce n'est pas additif. La température est une propriété extensive, globale, du système.
On est donc tenté de repenser quantité et qualité en termes de local ou global ou bien additif ou non additif. De manière plus générale, il devrait être possible de reformuler la théorie de manière pseudo-mathématique: La fonction des neurones c'est qu'il faut qu'ils se déchargent. Donc, il faut minimiser quelque chose, leur état de charge. Il faut minimiser "truc". Hors, truc dépend de quantité et de qualité. La seule chose qui peut varier ce sont les quantités (schéma n° 5) (Delta veut dire variation) Donc, variation de truc est égal à quan
tité globale multipliée par variation de ce qui peut varier. C'est l'équation n° 1. L'équation n° 2, c'est que si j'ai une variation de quantité, j'ai une variation de qualité. C'est la boucle de retour.
Théorie de la pensée.
Il y a profusion de catégories de la pensée, telles qu'elles sont exprimées dans l'Esquisse. J'en ai compté 1O et j'en ai sûrement raté. Il se trouve qu'on peut les regrouper toutes en quelques catégories et en deux classes :
- Les pensées du genre discriminantes, observatrices qui sont liées à l'expansion d'une perception.
- Les pensées liées à la reproduction d'un souvenir.
Dans le premier cas (schéma n° 6) c'est un investissement corporel qui est mis en jeu. Dans le second cas (partie gauche du schéma) c'est un investissement psychique. Il y a un but. A partir de là, on peut séparer les catégories de pensées en pensées avec ou sans but et cela a une traduction biologique.
Langage :
C'est à ce sujet qu'il y a dans l'Esquisse des pages particulièrement impressionnantes. La formulation suivante, extraordinairement compacte, contient l'essence de la théorie:
"L'accession de la pensée à la conscience ne se fait que si elle est accompagnée d'indicateur de réalité."
Cet indicateur est un interrupteur qui répond OUI/NON selon que l'on a affaire à des images réelles ou pas. Il est fourni par (et résulte des) associations verbales. Les pages 376 et 377, qui détaillent ce mécanisme, sont pour moi parmi les plus fortes du livre. (schéma 7)
Pour rendre compte du processus excitation-décharge, il faut considérer que la mise en place des relations entre les idées passe par les mots.(Le modérateur fait signe que le temps est dépassé)
Pressé par le temps, je vais droit à ma conclusion.


MA CONCLUSION : Ce serait qu'il vaudrait certainement la peine de retraduire le travail de FREUD en langage actuel, en le débarassant des redondances, des répétitions, etc... Peut-être le retranscrire avec le formalisme dont je vous parlais, qui est très performant, en ce sens qu'il est beaucoup plus facilement manipulable ici que le langage naturel. Une fois qu'on a mis ça dans ce langage là, on peut faire tourner la machine, elle produit des résultats non triviaux.
Accessoirement, comparer cela aux données actuelles de neuro-physiologie mais cela ne me paraît pas tellement important. Que cela se recouvre ou pas, c'est marginal. Surtout voir comment tout ce qui est là rebondit dans l'oeuvre de FREUD. Désolé du dépassement de temps sur lequel je m'étais promis d'être rigoureux, pour les autres!
Merci de votre attention.



Dernière mise à jour : lundi 6 octobre 2003
Dr Jean-Michel Thurin