BOUFFÉE DÉLIRANTE POLYMORPHE Dérînition-Historique : Voici le curieux exemple d'un tableau clinique décrit il y a un siècle et admis par tradition comme entité autonome par l'école française sans qu'aucune conceptualisation théorique ne le justifie et qui finit par trouver place dans les classifications contemporaines. C'est Magnan (1886) qui a introduit la notion sous la forme de bouffées délirantes des dégénérés. Pour lui, en effet, l'apparition de ces « délires d'emblée » était le propre d'un terrain marqué par la dégénérescence. Son élève Legrain a fixé la symptomatologie caractéristique : - brutalité d'apparition souvent sans cause déclenchante apparente (le fameux coup de tonnerre dans le ciel serein), - polymorphisme du délire quant à ses thèmes mais aussi quant à ses mécanismes mêlant intuition, hallucinations auditives et psychiques, illusions, interprétations et éléments imaginatifs, - extrême variabilité de ce riche tableau clinique, - destruction de la conscience sans véritable confusion* qui a fait que Mayer Gross a pu parler d'états oniroïdes (1924) ou Kleist d'états crépusculaires (1926), - fluctuations thymiques, - insomnie. Mais c'est l'évolution qui pose le problème de la nosologie de ces états. Si leur durée est brève, la guérison de leur accès survenant soit brusquement, soit après une phase de réveil, le risque d'une récidive n'est pas négligeable, soulevant la question de l'intermittence, sinon de la périodicité de ces « délires à éclipses » (Legrain). Bien plus, la possibilité de la transformation de cette psychose délirante aiguë* en délire chronique* en complique singulièrement les données. Elle a pu conduire d'autres écoles à ne l'admettre que comme une schizophrénie aiguë, ou en tant que forme de pathologie réactionnelle. Ey non seulement fait de la bouffée délirante une entité autonome mais la considère comme le prototype des psychoses hallucinatoires aiguës* au point que pour lui les deux termes sont synonymes. Récemment, Pull et Pichot utilisant le système LICET (listes intégrées de critères d'évaluations taxinomiques) avec la liste S destinée aux psychoses non affectives ont proposé des « Critères empiriques français de la bouffée délirante » (définition provisoire). a) Mode de début : aigu, sans antécédents psychiatriques personnels (autres que d'éventuels épisodes identiques). . 26 Bouffée délirante polymorphe b) Absence de chronicité : les phases actives disparaissent complètement en quelques semaines ou quelques mois. Des rechutes sont possibles sous la même forme ; mais il n'existe aucune anomalie dans l'intervalle qui sépare deux épisodes. c) Symptômes caractéristiques : Chacun des suivants : 1) Idées délirantes et/ou hallucinations de n'importe quel type ; 2) Dépersonnalisation et/ou déréalisation avec ou sans confusion ; 3) Humeur anormale : dépression et/ou euphorie ; 4) les symptômes varient d'un jour à l'autre et même d'heure en heure. d) Non dû à un trouble mental organique, un alcoolisme ou une toxicomanie. e) La bouffée délirante « authentique » survient en l'absence d'un facteur de stress psychosocial démontrable. La bouffée délirante « réactionnelle » survient en relation temporelle avec un facteur de stress psychosocial. INSERM : La catégorie 04 Psychoses délirantes aiguës et états confusionnels comprend deux rubriques : .1 Psychose délirante aiguë réactionnelle. Bouffée délirante réactionnelle ; .2 Psychose délirante aiguë, bouffée délirante... (en dehors des épisodes aigus ou subaigus d'activité délirante survenant au cours d'une évolution délirante chronique non schizophrénique ... ). CIM 9 : Dans 298 Autres psychoses non organique Réaction délirante aiguë 298.3 est donnée comme synonyme de Bouffée délirante : « Etats délirants provoqués apparemment par un bouleversement émotionnel. Le stress est souvent interprété à tort comme une attaque ou une menace. De tels états se rencontrent particulièrement chez les prisonniers ou comme réaction aiguë à un environnement inhabituel ou hostile, par exemple chez les immigrants ». La psychose délirante psychogène ou réactionnelle 298.4 se différencie de la bouffée par une évolution plus prolongée. CIM Proj. rév. Troubles psychotiques aigus et transitoires F.23 comprend trois rubriques - Episode délirant aigu (bouffée délirante, psychoses cyclique) .0 - Délire psychogène (réactionnel) psychose psychogénique. .1 - Episode aigu schizophrénique .2. Cette présentation marque la reconnaissance de la bouffée délirante comme entité autonome. D.S.M. 111 : La classe diagnostique Troubles psychotiques non classés ailleurs comprend deux catégories spécifiques : 295.40 Trouble schizophréniforme, 298.80 Psychose réactionnelle brève. Malgré les critiques que l'on peut faire à la dénomination de Trouble schizophréniforme*, elle traduit qu'est admise l'existence d'une entité définie cliniquement qui, bien que faisant partie des états psychotiques, ne doit pas être classée dans les Troubles schizophréniques. Briquet (syndrome de) D.S.M. III-R : Les critères du Trouble schizophréniforme sont modifiés. 27 Bibliographie : Ey H. - « Bouffées délirantes » et psychoses hallucinatoires aiguës (Etude n' 23). In : Etudes psychiatriques (Tome 111), Desclée de Brouwer, Paris, 1954. PULL C.B., PULL M.C., PICHOT P. - Des critères empiriques français pour les psychoses. Position du problème et méthodologie. Encéphale, 1984, 10, 119-123.


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Dr Jean-Michel Thurin