SOMMAIRE
- INTRODUCTION. P4
- DEFINITION ET APPROCHE CLINIQUE. P6
1- Etat de stress aigu. P8
2- Etat de stress post-traumatique. P9
- APPROCHE THEORIQUE : INSUFFISANCE DE LA CONNAISSANCE DE LA REACTION DE STRESS. P11
I-Dfinition du facteur de stress ou stresseur. P12
II-Symptomes dissociatifs. P13
III-Reviviscence des symptomes. P16
IV-Les symptomes dÕvitements P17
V-Les symptomes de vigilance accrue. P18
VI-Les critres de dure. P18
VII-Comparaison de lÕE.S.A. et du E.S.P.T. P19
VIII-Mesure des troubles de stress aigu. P21
IX-Conclusion. P23
-CAS CLINIQUE : PARTIE I P24
- ELEMENTS SEMIOLOGIQUES. P31
- ENQUETE SEMIOLOGIQUE ( TABLEAUX-HISTOGRAMME-INTERPRETATION). P38
- COMPORTEMENT SELON LES PERSONNES ET SELON LES CULTURES. P56
-CAS CLINIQUE : PARTIE II P60
CONSEQUENCES A MOYEN ET A LONG TERME.
-REACTION DE DEUIL. P72
-APPROCHE CULTURELLE. P78
-CONCLUSION. P85
-REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES. P87
INTRODUCTION
LÕexprience traumatique aigu vcue par les familles qui perdent brutalement leurs proches dans une catastrophe ou un accident, peut entraner un tat de stress post-traumatique.
En effet, lÕenqute de Dtroit (BRESLAU et All, 1998) a montr que lÕvnement potentiellement traumatique le plus souvent rapport est le dcs soudain et inattendu dÕun proche, avec un taux moyen dÕtat de stress post-traumatique de 14,3 % (1).
La notion de stress aigu et de stress post-traumatique reste floue et dÕun abord singulirement laborieux.
Les critres actuels de diagnostic dÕE.S.A. bas sur des propositions thoriques font lÕobjet de critiques, par leurs insuffisances et leurs manques de recherches empiriques.
La relation de cause effet entre les critres diagnostiques dÕE.S.A. Š dissociation, symptmes de reviviscence, dÕvitement et de vigilance, et la survenue ultrieure dÕun E.S.P.T. nÕest pas encore clarifie.
A lÕheure actuelle, peu dÕtudes soulignent le lien direct entre lÕE.S.A. et lÕE.S.P.T. et, par consquent, certains auteurs sÕlvent pour dnoncer la restriction des critres DSM IV.
Ce travail, aprs rappel clinique et thorique du concept dÕtat de stress aigu, va tenter une approche de cette entit clinique ambigu qui nÕa cess de susciter des controverses.
La seconde partie du mmoire est consacre aux consquences de lÕE.S.A. moyen et long terme, la raction de deuil et de son vcu, que je citerai par une approche culturelle.
DEFINITION ET
APPROCHE CLINIQUE
La notion de stress, propose en anglais par lÕendocrinologue canadien HANS SELYE en 1936, appartient dÕabord au domaine de la biologie et de la psychologie.
En franais, le mot, comme son tymon, dsigne la rponse de lÕorganisme aux facteurs dÕagression physiologique et psychologique, ainsi quÕaux motions qui ncessitent une adaptation (2).
Le stress est donc la raction bio-physio-psychologique immdiate dÕalarme, de mobilisation et de dfense de lÕindividu face une agression ou une menace.
CÕest une raction utile, adaptative, inspirant au sujet des attitudes spontanes dÕalerte, de dfense ou de retrait. Elle est greve de symptmes neurovgtatives (tachycardie, lvation de la tension artrielle, pleur, spasmes viscraux) et de dpense dÕnergie avec puisement physique et psychique.
En outre, si elle est trop intense, trop prolonge ou rpte de trop courts intervalles, elle se mue en raction inadaptation de stress dpass, tels que sidration agitation, fuite panique ou comportement dÕautomate (3).
La raction de stress peut tre dcompose en deux phases :
- la phase immdiate qui survient au moment mme de lÕvnement et ne dpasse pas une dure de quelques heures et ou lÕon peut observer, mis part le cortge de symptmes neurovgtatifs qui accompagnent le stress normal, des ractions de stress dpass,
- la phase post-immdiate qui correspond, soit au retour lÕtat normal, soit la mise en place de nouvelles dfenses se manifestant, soit par des dcharges motionnelles, soit par lÕinstallation torpide dÕun syndrome psychotraumatique.
La classification internationale des maladies tablie par lÕO.M.S., qui comprend les troubles mentaux et du comportement, est la seule classification internationale officielle. Sa dixime rvision Š CIM 10 Š parue en 1992, reconnat trois entits diagnostiques pour les syndromes psychotraumatiques :
- la raction aigu un facteur de stress : elle concerne la phase immdiate et qui disparat habituellement en quelques heures, ds que le sujet nÕest plus soumis un facteur de stress.
En cas de persistance des facteurs de stress, cette phase peut persister jusquÕ deux ou trois jours.
Ses principaux critres sont lÕtat dÕhbtude initial caractris par un rtrcissement du champ de la conscience et de lÕattention, la dsorientation et les symptmes neurovgtatifs.
Cet tat peut tre suivi dÕun retrait croissant vis--vis de lÕenvironnement pouvant aller jusquÕ une stupeur dissociative, dÕune agitation avec hyperactivit et raction de fuite.
On y trouve en fait les caractristiques et les variantes de la raction de stress dpass (3).
- lÕtat de stress post-traumatique : les troubles peuvent apparatre quelques semaines quelques mois aprs la survenue du traumatisme.
En dehors de la symptomatologie clinique calque peu prs sur le P.T.S.D. amricain, la CIM 10 mentionne des facteurs prdisposants : traits de personnalit (compulsive, asthnique, É), ou des antcdents de type nvrotique qui peuvent favoriser la survenue du syndrome ou aggraver son volution.
- la modification durable de la personnalit secondaire une exprience de catastrophe doit persister au moins deux ans.
Le trouble se caractrise par une attitude hostile ou mfiante envers le monde, un retrait social, des sentiments de vide ou de dsespoir (3).
Dans le DSM IV (manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux) paru en 1994 (4), les diagnostics dÕE.S.A. et dÕE.S.P.T. reposent sur un ensemble de critres.
1 Š Etat de stress aigu
Le diagnostic dÕE.S.A. repose sur cinq critres :
- le premier critre (A) dfinit lÕvnement traumatique et la population risque : le sujet a vcu, a t tmoin ou a t confront un vnement ou des vnements durant lesquels des individus ont pu mourir ou tre trs gravement blesss. La raction du sujet lÕvnement sÕest traduite par une peur intense, un sentiment dÕimpuissance ou dÕhorreur,
- le deuxime critre (B) dcrit la dissociation qui doit tre atteste par trois ou plus des manifestations suivantes :
* sentiment de torpeur, de dtachement ou absence de ractivit motionnelle,
* rduction de la conscience,
* dralisation,dpersonnalisation,
* amnsie dissociative,
- le troisime critre (C) concerne la reviviscence de lÕvnement traumatique, atteste par au moins une des manifestations suivantes :
* images,
* penses,
* rves,
* illusions,
* flash-back rcurrents,
* sentiment de revivre lÕexprience,
* souffrance lors de lÕexposition ce qui peut rappeler lÕvnement traumatique,
- le quatrime critre (D) concerne lÕvitement persistant des stimuli qui veillent la mmoire du traumatisme (exemples : penses, sentiments, conversation, activits, endroits, gens),
- le cinquime critre (E) dcrit les symptmes traduisant un tat dÕalerte permanent avec prsence de symptmes anxieux persistants ou manifestations neurovgtatives, difficults dÕendormissement, irritabilit, difficults de concentration, hypervigilance, raction de sursaut exagre, agitation motrice.
Il est de plus spcifi en (F) que la perturbation entrane une dtresse cliniquement significative ou une altration du fonctionnement social, professionnel ou dans dÕautres domaines importants. Et en (G), la durabilit des troubles o la perturbation dure un minimum de deux jours et un maximum de quatre semaines (4).
2 Š Etat de stress post-traumatique
Le diagnostic dÕE.S.P.T. repose sur quatre ordres de critres :
- le premier critre (A) dfinit lÕvnement traumatique et la population risque : le sujet a vcu, a t tmoin ou a t confront un vnement ou des vnements durant lesquels des individus ont pu mourir ou tre trs gravement blesss. La raction du sujet lÕvnement sÕest traduite par une peur intense, un sentiment dÕimpuissance ou dÕhorreur,
- le deuxime critre (B) concerne la reviviscence de lÕvnement traumatique, atteste par au moins une des cinq manifestations suivantes :
* souvenir rptitif et envahissant de lÕvnement provoquant un sentiment de dtresse,
* rves rptitifs provoquant un sentiment de dtresse,
* survenue secondaire de sentiments laissant pressentir que lÕvnement va se reproduire (sentiment de revivre lÕvnement, illusions, hallucinations et flash-back),
* tat de dtresse psychique intense lors dÕvnements rappelant le traumatisme initial,
* ractivit physiologique lors des expositions des vnements rappelant le traumatisme initial,
- le troisime critre (C) dcrit les comportements persistants dÕvitement des stimuli et lÕmoussement de la ractivit qui doivent tre attests par au moins trois des manifestations suivantes :
* effort pour viter les penses, les sentiments ou les conversations associs au traumatisme,
* effort pour viter les activits ou les situations qui font resurgir le souvenir de lÕvnement traumatique,
* incapacit de se rappeler dÕun aspect important du traumatisme,
* rduction nette de lÕintrt port des activits antrieures,
* sentiment de dtachement dÕautrui ou bien de devenir tranger par rapport aux autres,
* retrait affectif,
* sentiment dÕavenir Ē bouch Č,
- le quatrime critre (D) dcrit les symptmes traduisant un tat dÕalerte permanent avec activation neurovgtative atteste par la prsence dÕau moins deux des manifestations suivantes :
* difficults dÕendormissement ou sommeil interrompu,
* irritabilit ou accs de colre,
* difficults de concentration,
* hypervigilance,
* raction de sursaut exagre.
Il est de plus spcifi que, en (E), la perturbation dure plus dÕun mois et que celle-ci entrane une souffrance cliniquement significative ou une altration du fonctionnement social, professionnel ou dans dÕautres domaines importants (F) (4).
APPROCHE THEORIQUE
INSUFFISANCE DE LA CONNAISSANCE DE LA REACTION DE STRESS
LÕtat de stress aigu (E.S.A.) est un diagnostic dvelopp rcemment qui dcrit les ractions de stress post-traumatique qui apparaissent dans le mois qui suit un traumatisme.
Les critres diagnostiques incluent les symptmes dissociatifs, dÕintrusion, dÕvitement et de vigilance.
Au regard des recherches montrant les relations entre lÕtat de stress aigu (E.S.A.) et lÕtat de stress post-traumatique (E.S.P.T.), lÕE.S.A. est considr comme un lment prdictif dÕune psychopathologie post-traumatique sur le long terme (CLASSEN, KOOPMAN, SPIEGEL et CARDENA).
Il existe des diffrences thoriques au niveau diagnostique entre la conceptualisation de lÕtat de stress aigu (E.S.A.) dans le D.S.M. IV et celle de lÕtat de stress post-traumatique (E.S.P.T.).
LÕE.S.P.T. se distingue de lÕE.S.A. par lÕaccent mis sur les symptmes dissociatifs.
LÕtat de stress aigu est reprsent dans le D.S.M. IV comme tant le niveau de dtresse le plus lev que peuvent rencontrer les individus dans une exprience traumatique aigu (5).
I Š DEFINITION DU FACTEUR DE STRESS OU STRESSEUR
Le facteur de stress peut tre dfini de faon objective et subjective.
Dans la dfinition objective, le critre diagnostique de lÕtat de stress aigu ncessite que le sujet ait vcu ou ait t tmoin dÕun vnement qui, soit lÕa menac, soit que des individus aient t menacs. La raction du sujet lÕvnement se traduit par une peur intense, un sentiment dÕimpuissance ou dÕhorreur (American Psychiatric Association : A.P.A., 1994, p. 431).
Dans la dfinition subjective, le premier symptme cit dans le D.S.M. IV est lÕhbtude ou dtachement ou absence de ractivit motionnelle (A.P.A., 1994, p. 432).
Dans la phase aigu du traumatisme, parfois la rponse motionnelle nÕest pas retrouve ; cette absence de raction ne va donc pas satisfaire aux critres diagnostiques de lÕ E.S.A., ce qui peut conduire, par rfrence au D.S.M IV, de faux ngatif au niveau diagnostic.
Ce qui est suggr, cÕest de modifier la description de la rponse au stresseur pour inclure des manifestations comportementales de dtresse (comme lÕabsence de rponse ou le dtachement) qui pourraient ainsi rconcilier jusquÕ un certain point lÕanomalie des rponses dissociatives et la ncessit que lÕindividu rponde avec une raction de peur ou dÕimpuissance (5).
II Š SYMPTOMES DISSOCIATIFS
1 - Perspectives thoriques sur la dissociation
Le trait distinctif de lÕtat de stress aigu repose sur le fait que lÕon met lÕaccent sur la raction dissociative au traumatisme.
Le diagnostic de stress aigu requiert que lÕindividu ait au moins trois des symptmes suivants :
- un sens subjectif dÕhbtude ou de dtachement,
- une rduction de la conscience de lÕenvironnement,
- une dralisation,
- une dpersonnalisation,
- une amnsie dissociative.
La thorie sous-jacente lÕtat de stress aigu sous entend que la dissociation est un mcanisme de coping primaire afin que lÕindividu puisse grer lÕexprience traumatique, thorie de Ē la dissociation Č dont on peut trouver les premiers dveloppements en 1907 chez JANET.
Cette thorie propose que les individus minimisent les consquences motionnelles lies au traumatisme en restreignant leur conscience de lÕexprience traumatique (VAN DER KOL ET VAN DER HART, 1989), rduction de la conscience qui peut se manifester par une altration de la perception, par des troubles de la mmoire ou par un dtachement motionnel de lÕenvironnement (CARDENA et SPIEGEL, 1993).
Le rle de la rponse dissociative a t rcemment intgr dans les modles de rseau cognitifs du E.S.P.T. (FOA et HEARST IKEDA, 1996).
Selon FOA et KOZAK en 1986, ces modles en rseau sont secondaires un traumatisme et les structures de peur qui se dveloppent contiennent des reprsentations mentales de lÕexprience traumatique caractrises par des croyances excessives relies la menace.
Il est propos que ces rseaux de la peur rsultent de la dviation de lÕattention sur les croyances excessives lies la menace et puisse expliquer par l les symptmes post-traumatiques comme la mmoire intrusive, lÕhypervigilance et lÕvitement.
FOA et HEARST IKEDA en 1996, avaient propos que la rponse dissociative initiale puisse empcher lÕactivation des structures de peur et que cette altration de processus motionnelle puisse conduire une E.S.P.T. chronique (5).
2 Š Les arguments empiriques concernant la dissociation
Beaucoup dÕauteurs rapportent les symptmes dissociatifs observs pendant la phase aigu du traumatisme tels quÕun sentiment dÕhbtude, une rduction de la conscience de son propre environnement, une dralisation o lÕenvironnement devient irrel ou semblable au rve, une exprience de dpersonnalisation et une amnsie dissociative.
HOROWITCH en 1986 a toutefois argument le fait que les rponses dissociatives sont communes et potentiellement adaptatives, quÕelles sont des ractions court terme un traumatique et peuvent ultrieurement conduire une rsolution adquate de lÕexprience traumatique. Une raison majeure pour mettre lÕaccent sur les symptmes dissociatifs dans les diagnostics de stress aigu et la porte avec laquelle ils prdisent la survenue dÕune P.T.S.D..
De nombreuses tudes ont en effet rapport que la raction dissociative au moment du traumatisme est prdictive dÕun diagnostic de P.T.S.D. (HOLEN, KOOPMAN, MARMAR, MAC FARLAN, SHALEV).
Il faut reconnatre toutefois que la plupart de ces tudes ont collect les faits sur la raction dissociative aigu de manire rtrospective, et cette mthodologie amne poser de srieux doutes de savoir jusquÕ quel point la symptomatologie prsente au moment de lÕentretien a pu influencer de manire rtrospective le compte-rendu des ractions traumatiques initiales.
On sait que la tendance de la mmoire des traumatismes changer au cours du temps est bien documente (FOA et ALL, 1995 ; WAGENER et GROENEWEG, 1990).
En 1997, SOUTHWICK, MORGAN, NICOLAON et CHARNEY soulignent que la distorsion de la mmoire pour les vnements traumatiques est influence par la symptomatologie mme de lÕE.S.P.T., dÕo la ncessit de recourir des tudes prospectives.
Trois tudes prospectives ont rcemment tudi la relation entre les symptmes dissociatifs initiaux et lÕE.S.P.T..
Bien que KOUPEMAN et Al nÕaient pas diagnostiqu dÕE.S.A., les symptmes dissociatifs aigus ont mieux prdits la survenue dÕun E.S.P.T. que lÕanxit initiale.
En conclusion, bien quÕil y ait des indications initiales qui suggrent une relation entre la dissociation pri-traumatique et lÕE.S.P.T., il y a encore un manque de faits empiriques qui peut dmontrer que lÕE.S.P.T. est directement li aux E.S.A..
Des tudes prospectives ultrieures sont ncessaires qui puissent prciser les relatifs pouvoirs de chacun des symptmes du groupe de lÕE.S.A., afin de prdire lÕE.S.P.T. par la suite (5).
3 Š Ambigut du rle de la dissociation au niveau diagnostic
Le rle de la dissociation dans lÕtat de stress aigu est compliqu par lÕambigut de savoir quand apparat la rponse dissociative.
Selon le D.S.M. IV, la rponse dissociative peut apparatre, soit pendant, soit aprs lÕexprience de lÕvnement qui a caus le stress. Ce cadre de temps trs flexible pour les symptmes dissociatifs est en contraste avec le fait que lÕon exige que lÕintrusion, lÕvitement, les symptmes de vigilance aient besoin dÕtre expriments comme des problmes persistants.
Les symptmes dissociatifs sont normalement transitoires et ne doivent pas empcher le processus motionnel de lÕexprience traumatique. Mais si la dissociation persiste, elle empchera lÕactivation des structures de la peur et, long terme, va contribuer la psychopathologie.
Il nÕy a pas assez dÕtudes empiriques pour pouvoir bien sparer la spcificit des symptmes dissociatifs au niveau du diagnostic.
Un symptme dissociatif pourrait-il en couvrir un autre ? Il est possible que la rduction de la conscience et de lÕenvironnement dtriore lÕencodage de lÕvnement, causant ainsi chez lÕindividu lÕamnsie de lÕvnement.
Des tudes sont donc ncessaires afin dÕvaluer la sensitivit et la spcificit des symptmes aigus dissociatifs pour prdire par la suite un E.S.P.T.(5).
III Š REVIVISCENCE DES SYMPTOMES
1 Š Rle de la reviviscence dans lÕE.S.A.
Le diagnostic dÕE.S.A. dans le D.S.M. IV requiert que lÕvnement traumatique soit revcu au moins dÕune des faons suivantes : images ou penses rcurrentes, rves, illusions, pisodes de flash-back ou lÕimpression de revivre lÕexprience, ou alors une dtresse lÕexposition de la remmoration de lÕvnement traumatique (A.P.A., 1994, p. 432).
Les symptmes de reviviscence, selon CALHOUN et RESICK en 1993, ont souvent t reconnus comme les symptmes caractristiques de lÕE.S.P.T.. De faon similaire, elles ont t observes dans la phase aigu du traumatisme (BRYANT et HARVEY, 1996 ; KILPATRICK et RESWICK, 1993 ; SHALEV, 1992).
Certains auteurs soulignent quÕil y a des arguments permettant dÕavancer que la reviviscence des symptmes dans la phase traumatique immdiate peut tre prdictive dÕun E.S.P.T. persistant. Selon le modle en rseau de la rponse traumatique, les intrusions initiales peuvent conduire un vitement de lÕactivit qui empche lÕactivation et la modification du rseau de peur (CREAMER, BURGESS et PATTISON, 1992).
Ce modle suggrerait que lÕextension avec laquelle les intrusions initiales sont prdictives dÕun futur E.S.P.T., dpend en partie de la prsence de lÕvitement durant la phase aigu du traumatisme.
2 Š Reviviscence de lÕE.S.A. et de lÕE.S.P.T.
Bien que la description des symptmes de reviviscence dans le diagnostic de lÕE.S.A. apparaisse similaire celle de lÕE.S.P.T., les deux groupes se diffrencient de deux faons importantes :
- premirement, dans lÕE.S.P.T., la reviviscence des symptmes doit causer la dtresse individuelle, alors que dans lÕE.S.A., la rponse motionnelle ngative aux penses traumatiques ou aux images nÕest pas mentionne. Certains faits permettent de penser que les individus varient de faon marque dans leurs rponses subjectives aux souvenirs intrusifs du traumatisme.
- deuximement, la diffrence de lÕE.S.P.T., le diagnostic dÕE.S.A. ne requiert pas de faon obligatoire la dtresse rsultant de la reviviscence du traumatisme. Le rle de la reviviscence des symptmes dans la phase aigu du traumatisme et leur contribution la persistance dÕun E.S.P.T. nÕest compris que partiellement (5).
IV Š LES SYMPTOMES DÕEVITEMENT
Dans la plupart des modles cognitifs de lÕE.S.P.T. (CREAMER et All, FOA et KOZAK, LITZ et KEANE), lÕvitement est conceptualis comme la premire rponse aux penses intrusives du traumatisme qui peut procurer un soulagement temporaire dans la mesure o le matriel traumatique est intgr graduellement. Si, par contre, cela sÕexerce de manire excessive, il peut empcher les traitements motionnels des souvenirs traumatiques.
Il est admis que les stratgies dÕvitement, quÕelles soient cognitives ou comportementales, peuvent altrer lÕopportunit de pouvoir sÕattaquer au matriel traumatique et le solutionner. De ce fait, on thorise que lÕvitement est lÕun des premiers prdicateurs de lÕE.S.P.T. chronique.
Bien que le comportement dÕvitement dans lÕE.S.P.T. ait t rapport tre prdictif de troubles permanents, la relation entre lÕvitement et les penses intrusives apparat trs complexe (BRYANT et HARVEY, SCHWARTZ et KOWALSKI, SOLOMON, MIKULINCER et FLUM).
En rsum, les travaux disponibles suggrent que la persistance de lÕvitement est associe lÕE.S.P.T., la relation entre lÕvitement initial et les E.S.P.T. ultrieures nÕest pas comprise de manire adquate (5).
V Š LES SYMPTOMES DE VIGILANCE ACCRUE
Le diagnostic dÕE.S.A. requiert quÕune vigilance accrue soit prsente pendant au moins deux jours aprs le traumatisme. Les symptmes de vigilance comprennent agitation, insomnie, hyper vigilance, difficults de concentration et irritabilit.
WEISAETH, en 1989, a trouv que la persistance de lÕanxit et des troubles du sommeil aprs les deux premires semaines post-traumatiques tait prdictive dÕun E.S.P.T. par la suite.
DÕautres auteurs ont comment, partir dÕune perspective thorique, lÕimportance potentielle des symptmes de vigilance initiaux dans la prdiction dÕE.S.P.T. par la suite (SHALEV, 1992).
Le rle des symptmes de vigilance aigus dans la prdiction dÕE.S.P.T. nÕont reu, de manire surprenante, que peu dÕattention au niveau des faits empiriques. MAC FARLANE, en 1992, ajoute que, finalement, lÕinsistance mise sur les symptmes dÕintrusion et dÕvitement ont conduit ce que la notion de vigilance soit nglige par de nombreux chercheurs. Il est impratif que des recherches ultrieures clarifient le rle de la vigilance (5).
VI Š LES CRITERES DE DUREE
Le diagnostic dÕE.S.A. stipule que le trouble doit tre prsent au moins deux jours aprs le traumatisme et quÕil ne persiste pas plus dÕun mois. Il est convenu quÕ partir de l, cÕest le diagnostic dÕE.S.P.T. qui convient.
La dure de deux jours aprs le traumatisme apparat tre dÕune certaine faon arbitraire dans le fait que cette dure ne soit pas base sur des dcouvertes empiriques concernant des ractions normales ou pathologiques au traumatisme aigu.
Si le diagnostic dÕE.S.A. signifie au dcrire dÕune rponse aigu qui soit prdictive dÕune psychopathologie long terme, il est ncessaire de pouvoir dmontrer que les rponses qui ne conduisent pas une rmission en moins de deux jours du traumatisme, sont plus prdictives de la psychopathologie.
Des tudes prospectives sont ncessaires pour indiquer une dure de deux, plutt que trois, quatre, cinq jours, sont les prdicateurs les plus solides pour des troubles ultrieurs.
La future formulation de lÕE.S.A. devrait inclure dans les critres de la dure des informations bases sur des investigations longitudinales de la dure des symptmes pour permettre dÕaider diffrencier entre une rponse adaptative court terme et une rponse clinique prdicatrice de symptomatologie sur le long terme.
Les critres dÕexclusion :
Sont exclus du diagnostic dÕE.S.A., les traumatismes crniens.
Les effets des blessures de traumatismes crbraux peuvent mimer de faon trs proche toute une srie de signes dÕE.S.A..
Un certain nombre de rapports rcents soulignent que les patients ayant prsent des traumatismes crbraux peuvent faire une exprience de symptmes de stress post-traumatiques (BOHMEN et JOLLES, 1992) (5).
VII Š COMPARAISON DE LÕA.S.D. ET DU P.T.S.D.
Il est apparent quÕil y a de nombreuses inconsistances entre le critre diagnostique pour lÕE.S.A. et lÕE.S.P.T..
Les diffrences et les similitudes sont mises en vidence au niveau du
tableau.
Mise part lÕaccentuation des symptmes dissociatifs dans lÕE.S.A., le diagnostic dÕE.S.P.T. requiert de faon rigoureuse les symptmes diagnostiques dÕintrusion, dÕvitement et de vigilance (5).
CRITERES DIAGNOSTIQUES DÕE.S.A. et dÕE.S.P.T.
CRITERES |
E.S.A.
|
E.S.P.T. |
STRESSEUR |
Les deux : - Evnement menaant, - Peur, impuissance ou horreur.
|
Les deux : - Evnement menaant, - Peur, impuissance ou horreur. |
DISSOCIATION |
Au moins trois symptmes : - Hbtude, - Rduction de la conscience, - Dpersonnalisation, - Dralisation, - Amnsie.
|
|
REVIVISCENCE |
Au moins un symptme : - Images, penses, dtresse rcurrentes, - Dtresse rsultante non obligatoire, - Caractre intrusif non obligatoire. |
Au moins un symptme : - Images, penses, dtresse rcurrentes, - Dtresse rsultante obligatoire, - Caractre intrusif obligatoire.
|
EVITEMENT |
- Evitement persistant de : penses, sentiments ou places. |
Au moins trois symptmes : - Evitement de penses, de conversation, - Evitement de personnes, de places, - Amnsie, - Diminution de lÕintrt, - Sentiment dÕtranget des autres, - Restriction des affects, - Sentiment dÕavenir bouch.
|
VIGILANCE |
Vigilance accrue incluant : - Agitation, insomnie, irritabilit, - Hypervigilance et difficults de concentration.
|
Au moins deux symptmes : - Insomnie, - Difficults de concentration, - Hypervigilance, - Sursauts exagrs.
|
DUREE |
- Au moins deux jours et moins dÕun mois aprs le traumatisme. - Les symptmes dissociatifs peuvent tre prsents seulement pendant le traumatisme.
|
Au moins un mois aprs le traumatisme. |
FONCTION-NEMENT
|
Altration du fonctionnement. |
Altration du fonctionnement. |
VIII Š MESURE DES TROUBLES DE STRESS AIGU
Les chercheurs ont traditionnellement class les rponses du stress aigu en employant des mesures qui avaient t dveloppes pour lÕE.S.P.T.. DÕune manire ou dÕune autre, les mesures sont limites, tout en sachant quÕelles ne sont pas directement indexes sur les symptmes dissociatifs.
Beaucoup dÕtudes se sont focalises sur les ractions dissociatives en employant la D.E.S..
Cette chelle a t dvelopp pour mesurer la dissociation pathologique et rpertorie les troubles dÕidentit, de perception et de mmoire. Elle nÕintgre pas les symptmes dÕintrusion, dÕvitement ou dÕveil de lÕE.S.A..
De ce fait, plusieurs revues ont mis des critiques de la D.E.S. et ont suggr que la porte avec laquelle elle classe la dissociation est influence par la perception quÕont les rpondeurs sur le but du questionnaire (SILVA et KIRSH, 1992).
Deux mesures ont t proposes rcemment pour mesurer la rponse aigu de stress :
- le S.A.S.R.Q. (Stanford Acute Stress Reaction Questionnaire),
- la S.C.I.D.-D. (Structured Clinical Interview for D.S.M. IV Dissociative Disorders).
Le S.A.S.R.Q. est compos de 73 items. Il indexe les symptmes dissociatifs et anxieux qui peuvent apparatre pendant et immdiatement aprs le traumatisme. Ce questionnaire inclut les symptmes diagnostiques de lÕE.S.A., bien quÕil nÕait pas t dvelopp la base pour ce diagnostic. De toute faon, il nÕy a actuellement pas de travaux disponibles qui puissent indiquer son utilit diagnostique dÕE.S.A..
Le S.C.I.D.-D a t propos comme interview structure pour lÕA.S.D., mais en fait, il nÕy a pas de fait qui puisse indiquer son utilit parmi les populations dÕE.S.A..
Il nÕy a actuellement pas de mesure standardise de la symptomatologie de lÕE.S.A.. Il existe de nombreux entretiens structurs et des chelles dÕauto-valuation dÕE.S.P.T. (5).
Nous citerons deux outils dÕauto-valuation :
- le Q.E.D.P. (Questionnaire sur les Expriences de Dissociation Pritraumatique),
- lÕI.E.S.R. (Impact of Event Scale - Revised ou chelle dÕimpact de lÕvnement Š Rvise).
Le Q.E.D.P. est constitu de dix items, cots de 1 5.
Il mesure lÕintensit de lÕtat dissociatif au cours dÕun vnement traumatique. DÕaprs MARMAR et WEISS (1997), la dissociation est lÕun des meilleurs indicateurs de stress aigu et un excellent prdicateur dÕun tat de stress post-traumatique.
Ces symptmes dissociatifs se caractrisent par une rduction de lÕtat de conscience, une focalisation ou un moussement motionnel avec un sentiment de dtachement par rapport lÕenvironnement.
Le score est obtenu en effectuant la somme ou la moyenne des dix items dont le Ē seuil clinique Č est 15 (6).
LÕI.E.S.R. propose vingt-deux items, avec cinq niveaux de cotation, un score de svrit des symptmes post-traumatiques partir des trois sous scores dont il faut faire la somme ou la moyenne :
* intrusion,
* vitement,
* hyperactivit neurovgtative.
LÕI.E.S.R. ne permet pas de poser un diagnostic, mais les auteurs choisissent actuellement de prendre un score total de 22 comme tant lÕindice des symptmes significatifs de stress aigu et un score de 36 comme suggrant la prsence dÕun trouble de stress post-traumatique.
Cet instrument propose une valuation de lÕE.S.A. et de lÕE.S.P.T..
LorsquÕil est choisi pour lÕE.S.A., il est prfrable de lÕassocier une mesure de la dissociation pritraumatique comme le Q.E.D.P. (6).
LÕinvestigation de lÕE.S.A. repose trs largement sur des entretiens cliniques non structur, et lÕactuelle insuffisance de connaissance et dÕincomprhension de lÕE.S.A. peut tre attribue en partie un manque de mesures standardises qui sont employes dans les phases aigus du traumatisme (5).
IX Š CONCLUSION
Les nouvelles catgories diagnostiques ont souvent des difficults au dpart. CÕest seulement quand un diagnostic entre dans la nomenclature psychiatrique que les paramtres standards existent et autorisent les investigations contrles du trouble.
Le diagnostic dÕE.S.A. est bas de faon appuye sur une perspective thorique qui implique une relation causale entre le traumatisme et la dissociation, ainsi que sur la supposition que lÕE.S.A. est prdictive dÕune psychopathologie post-traumatique sur le long terme.
Il y a maintenant un besoin dÕinvestigations contrles supplmentaires pour confirmer ou non cette affirmation et dterminer les critres les plus appropris pour le diagnostic dÕE.S.A..
Il y a de nombreuses critiques que lÕon peut adresser cette investigation. LÕimportance relative de la dissociation, de lÕintrusion, de lÕvitement et les symptmes de vigilance pour prdire des troubles ultrieurs doit tre clarifie. La dure de chaque symptme a besoin dÕtre tablie empiriquement dans les termes de prdire la pathologique long terme.
Les problmes inhrents aux critres actuels pour le diagnostic dÕE.S.A. peuvent tre attribus en partie aux manques de recherches empiriques qui ont prcd ce diagnostic.
Comme la recherche continue dans cette aire clinique, des rvisions futures des critres dÕE.S.A. doivent tre dtermines par des faits empiriques plutt que par des propositions thoriques.
CAS CLINIQUE
PARTIE I
En septembre 2002, un accident de la circulation a caus de graves blessures un pre de famille g de 75 ans. La victime, circulant en mobylette, a t heurte violemment par une voiture, proximit de son domicile.
Devant la brutalit des faits, la famille de la victime a ragi par des motions trs vives o se sont mls des sentiments de colre, de refus de la ralit, de protestation, de dsarroi et de souffrance intense.
Cette famille, dÕorigine maghrbine, se compose de lÕpouse de la victime et de sept enfants, un garon et six filles, toutes maries, prsents par ordre de rang de la fratrie :
{ - premire, Madame F.M., 45 ans, ne en Algrie,
NON { - seconde, Madame F.Z., 42 ans, }
TEMOINS { - troisime, Madame A.K., 41 ans, }
{ - quatrime, Madame Y.B., 39 ans, } ns en France,
{ - cinquime, Madame F.L., 38 ans, }
TEMOINS { - sixime, Madame L.C., 36 ans, }
DIRECTS { - septime, Monsieur N.M., 33 ans, }
{ lÕpouse, Madame Z.M., 65 ans, } ne en Algrie.
DEROULEMENT DES FAITS :
LÕpouse, le fils N.M. et la fille L.C. ont t tmoins directs de lÕaccident.
Avant lÕarrive du SAMU, le fils, instinctivement, sÕallongea ct de son pre inanim, lÕenlaa en lui parlant tendrement, puis courut dans tous les sens la recherche de secours, alors que la fille et lÕpouse, en furie, agressrent le chauffeur responsable de lÕaccident.
A lÕarrive des secours, puis des gendarmes, lÕpouse bouscula ces derniers, puis courut dans tous les sens, criant, hurlant, sÕarrachant les cheveux, se roulant et se dbattant dans la pelouse quÕelle arrachait.
LÕquipe du SAMU, aprs une longue prise en charge et de nombreuses tentatives de ranimation, dcida que la victime devait tre hliporte dans une unit de neurochirurgie o les spcialistes diagnostiqurent un traumatisme crnien gravissime au pronostic des plus rservs.
Les autres membres de la famille nÕont pas t tmoins de lÕaccident. A lÕannonce de lÕvnement tragique, ils furent trs bouleverss et choqus.
La premire fille de la victime, Madame F.M., aprs un long moment dÕhbtude, sÕeffondra, en larmes puis, dans un tat second proche de Ē lÕtat de transe Č, cria sa colre, dchirait sa chemise, sÕarracha les cheveux, se lacra le visage et le cou en se griffant, avant de perdre connaissance.
La deuxime fille, Madame F.Z., tait inhibe, en retrait, exprimant peu dÕmotion.
La troisime fille, Madame A.K., tmoigne de son ressenti :
Ē A lÕannonce du drame, jÕai senti mon monde basculer, jÕtais au cĻur de la tornade, aspire par la douleur. CÕtait comme un tremblement de terre, comme si la terre sÕouvrait sous mes pieds. JÕavais lÕimpression de basculer dans un gouffre de douleur. Plus rien nÕexistait autour de moi, sauf les proches qui partageaient la mme douleur. Je ne ressentais plus rien É mme mes enfants passaient au second plan. Ce qui se passait me semblait tre un cauchemar, que cela ne pouvait pas tre vrai ni possible. Je refusais de voir la ralit. JÕtais compltement dconnecte et dphase. JÕtais confuse, submerge par lÕangoisse et le stress. Je nÕavais plus la notion du temps et de lÕespace. Tout tait fig, rtrci, restreint autour de la pense de mon pre. Plus rien nÕavait dÕimportance, seul comptait le drame que lÕon vivait Č.
La quatrime fille, Madame Y.B., resta en tat dÕhbtude pendant plusieurs heures, ne communiqua plus, restant immobile, raide, le regard fixe et hagard, coupe du reste du monde.
La cinquime fille, Madame F.L., ne voulut pas croire lÕaccident, puis sÕeffondra en larmes et cria sa haine contre celui qui avait caus la perte de son pre.
REACTIONS A LÕANNONCE DU PRONOSTIC VITAL :
Tard dans la soire, aprs une longue et lourde intervention chirurgicale, les chirurgiens informrent la famille de la gravit des lsions crbrales et que les chances de survie ne tenaient quÕ un Ē miracle Č.
Pendant les douze heures dÕattente, lÕangoisse de cette famille atteignit son paroxysme, les pleurs et les lamentations ne cessrent gure.
A lÕannonce du pronostic vital, la famille dnia la gravit de celui-ci. Elle refusa la pense et lÕide mme de la mort, donc de lÕissue fatale quÕelle rcusa.
Chacun conservait lÕespoir, minimisait la gravit du traumatisme crnien, se mettant en tte que ce nÕtait quÕune fausse nouvelle et que le pre sÕen sortirait comme lors du prcdent accident dont il avait t victime, dans les mmes circonstances et au mme endroit, 20 ans plus tt.
La sixime fille, Madame L.C., demeura persuade et convaincue du retour prochain de son pre la maison et ne cessa de le rpter.
La note dÕespoir de la famille fut entretenue par les dires dÕun voisin se prsentant comme Ē radiesthsiste Č : selon lui, la victime survivrait, mais avec un lourd handicap.
La troisime fille, Madame A.K., ajoute son tmoignage cit ci-dessus :
Ē LÕnergie que nous mettions refuser lÕide de la mort, la force de notre amour et la foi en Dieu nous donnaient lÕespoir quÕil y aurait un miracle Č.
A propos des Ē visions Č du radiesthsiste, elle dit :
Ē LÕaccumulation du stress, lÕangoisse, lÕattente, la fatigue et la douleur nous ont plong dans un tat de faiblesse psychologique o lÕinfluence du radiesthsiste a eu un impact sur nous. On tait lÕafft de tout ce qui pouvait nous faire croire et nous donner lÕespoir Č.
Elle enchane en disant :
Ē Etant de confession musulmane, cÕest la foi qui nous a aid tenir et supporter cette tragdie. Dans notre dsespoir, on avait lÕespoir quÕun Ē miracle Č pouvait se produire avec lÕaide de Dieu. Nous nous sommes accrochs lÕide que, tant quÕil y a un souffle de vie, il y a de lÕespoir. Il fallait donc positiver et ne pas baisser les bras. Nous tions dans lÕirrationnel et, pour nous, le jour o nous accepterions lÕide que notre pre devait mourir, il partirait dfinitivement Č.
LE PREMIER MOIS
I Š LE DEUXIEME JOUR
Les visages taient tendus, ples, livides, marqus par la fatigue et le manque de sommeil. SÕy ajoutaient lÕanorexie, lÕangoisse et lÕattente interrompue par moment par des dcharges motionnelles.
Toute la famille tait en qute et lÕafft de la moindre nouvelle. Elle tait irritable (la mre un peu plus), sur le qui-vive, trs sensible lÕenvironnement, sursautant chaque sonnerie de tlphone, lÕexcs de vitesse des voitures et aux grincements de pneu au freinage et aux sirnes dÕambulances. Elle tait en retrait et dtache de lÕenvironnement, seul leur drame comptait.
La seconde fille, Madame F.Z., tait toujours inhibe, replie sur elle-mme. Elle sÕisola dans la chambre de son pre o elle resta pendant de longues heures. Avec du recul, elle tmoigne :
Ē Pendant plusieurs jours, seules la pense et lÕimage de mon pre taient prsentes et fixes dans mon esprit Č.
La quatrime fille, Madame Y.B., resta fige, stuporeuse, ragissant peu aux sollicitations de lÕentourage et de la famille. Elle ne gardera aucun souvenir de cet pisode.
Le fils, Monsieur N.M., dambula dans la maison, ne restant pas en place, pleurant en voquant la mmoire de son pre.
Durant plusieurs heures, lÕpouse se lamenta. Elle fut, soit rconforte, soit accompagne par les pleurs dÕamis, de proches ou de voisins qui afflurent de toute part.
Nous sommes intervenus ce moment, la fois comme thrapeute et comme conseiller de cette famille subitement confronte une situation singulire o les capacits dÕadaptation taient dpasses.
Notre rle a t bas sur lÕcoute, la disponibilit, lÕinformation et lÕorientation.
Par notre intervention, une bauche de verbalisation a pu sÕamorcer car, partant de ce principe, chacun a pu mettre des mots sur son propre vcu de lÕvnement et de lÕaffect qui sÕen dcoulait.
A lÕissue de cette intervention, nous avons orient les membres de la famille les plus affects, qui ncessitaient une prise en charge approfondie, vers la cellule dÕurgence mdico-psychologique (C.U.M.P.) de la rgion. Il sÕagissait de lÕpouse de la victime, de Madame Y.B., Madame F.Z. et de Monsieur N.M., lÕpouse refusant de sÕy rendre.
II Š LE TROISIEME JOUR
La famille rendit visite la victime, toujours dans le coma, le facis oedmaci le rendant mconnaissable.
Cette visite raviva nouveau lÕexprience vcue le jour du drame. Le stress et lÕangoisse furent paroxystiques.
A ce propos, la troisime fille, Madame A.K., me fait part de son ressenti :
Ē A notre arrive lÕhpital, le bruit dÕhlices de lÕhlicoptre de secours qui venait dÕatterrir sur la plate-forme a dclench en nous sursauts et forte angoisse. Ce bruit tait peru de faon tellement amplifie par notre oue que nous avons t obligs de nous boucher les oreilles. En mme temps, nous prouvions de lÕempathie pour la victime hliporte et sa famille en dtresse. Nous tions saisis dÕun sentiment paradoxal entre la hte et lÕenvie de voir notre pre, et la peur dÕtre en face de la ralit tant redoute Č.
La cinquime fille, Madame Y.B., ne put sÕapprocher de son pre. Elle tait ttanise, sidre, prise de tremblements. Elle nÕosa ni regarder ni toucher son pre. Elle dira plus tard :
ĒCÕtait un cauchemar que je vivais É JÕtais trangre mon corps comme si jÕtais spectatrice É Je ne savais plus o jÕtais, ce que je faisaisČ.
III Š LES JOURS ET LES SEMAINES SUIVANTES
La famille vita le lieu de lÕaccident, la mre finit par abandonner carrment sa maison.
Les visites, rgulires et quasi quotidiennes, durrent de longues heures au chevet de la victime, toujours dans le coma.
Les multiples tentatives de stimulation, tant physiques (caresses, baisers), que sonores (chansons kabyles et paroles douces) restrent vaines.
Bien que lÕtat de la victime se dgradait, ce que confirmrent les mdecins, la famille nÕacceptait toujours pas de croire lÕvolution fatale, donc lÕimminence de la mort.
Chacun tait attentif, hypersensible et trs vigilant au moindre mouvement, la moindre fasciculation ou trmulation, de quelquÕamplitude quÕelle soit, dÕun doigt, dÕun orteil, dÕun muscle facial ou dÕun blpharospasme. Et lorsque cela se produisait, lÕespoir, nouveau, ressuscitait.
Les lments smiologiques dans le cas clinique comportent :
1 Š STRESSEUR ET POPULATION A RISQUE
Il sÕagit dÕune famille confronte un vnement traumatique, lequel a caus de graves blessures la victime.
Trois membres de cette famille (la mre, le fils Monsieur N.M., la 6e fille, Madame L.C.) taient tmoins directs de lÕaccident.
Les autres membres (5 filles) nÕtaient pas sur le lieu du drame.
La raction des premiers sÕest traduite par une agitation dsordonne et une hyperactivit strile, par un sentiment de peur, dÕhorreur, dÕimpuissance, de colre et de rvolte, celle des seconds par un dni, un refus de la ralit et un sentiment dÕhbtude.
2 Š SYMPTOMES IMMEDIATS (pendant et aprs lÕvnement)
Au dcours de lÕvnement traumatique, et pendant plusieurs heures, certains membres de cette famille ont manifest des ractions motionnelles trs fortes o le stress, par son intensit et sa dure, a dpass leurs capacits adaptatives.
Nous pouvons dire que ces manifestations traduisent une raction de stress dpass quÕon peut dcrire par les expressions comportementales suivantes :
- hyperactivit strile et incoercible (cf. les tmoins directs) :
* agitation dsordonnes et strile,
* htro-agressivit,
* perte de contrle des mouvements,
- comportement automatique avec gestes strotyps rptitifs caractre Ē incongru Č (cf. la mre, la premire fille, Madame F.M. et la 6e fille, Madame L.C.) :
* dbattement,
* automutilation (autolacration par griffures, arrachage de cheveux),
* dchirure des vtements,
* lamentations incessantes,
* cris et hurlements
- lments dissociatifs :
* raction de sidration, dÕhbtude, de stupeur et dÕinhibition motrice, observe des degrs dÕintensit variable, notamment chez les proches non tmoins des faits. Chez la 4e fille, Madame Y.B., cette raction tait trs marque de par son intensit et sa dure prolonge (plusieurs jours),
* rduction de la conscience, rapporte par la troisime fille, Madame A.K.,
* dpersonnalisation rapporte par la quatrime fille, Madame Y.B.,
* dralisation rapporte par la quatrime fille, Madame Y.B. et la troisime fille, Madame A.K.,
* amnsie lacunaire, chez la quatrime fille, Madame Y.B.
- manifestations anxieuses et activation neurovgtative :
* anxit majeure,
* tachycardie, oppression thoracique,
* pleur,
* sudation,
* tremblements, trmulations,
* fonctions biologiques perturbes, inapptence et difficults dÕendormissement.
3 Š SYMPTOMES POST-IMMEDIATS
Ce sont ceux qui surviennent dans les jours qui suivent lÕvnement traumatique :
- Nous relevons :
* la persistance de la symptomatologie dissociative chez Madame Y.B. et Madame F.Z., puis rsolution progressive les jours suivants,
* rsolution du trouble du comportement dcrit dans la premire phase par lÕhyperactivit strile, et comportement avec gestes strotyps,
* symptmes de reviviscence marqus par des souvenirs, penses et images rcurrentes de la victime avec dtresse rsultante faite de dcharges tensionnelles avec pleurs, lamentation et dsir intense de la prsente de lÕtre cher avec sentiment de solitude. Cette symptomatologie a dur plusieurs semaines, voire pendant des mois (chez les 4e, 6e, 7e filles et la mre),
- Nous observons aussi :
* des symptmes dÕvitement : ils sont ports essentiellement sur le lieu de lieu de lÕaccident. La mre quitte sa maison.
On observe une rduction de lÕintrt et un retrait affectif unanime et un sentiment de dtachement dÕautrui,
* symptmes de vigilance accrue marqus par :
” des difficults dÕendormissement et sommeil interrompus pendant plusieurs jours, observes chez presque la totalit des membres de la famille ; la mre, la 3e fille, Madame A.K., la 4e fille, Madame Y.B., la 6e fille, Madame L.C., ont ncessit la prescription dÕun traitement hypnotique et anxiolytique,
” une irritabilit ou accs de colre chez la majorit des proches, avec excs chez lÕpouse de la victime,
” des symptmes dÕhypervigilance portant sur le moindre mouvement de la victime, dÕtat de Ē qui vive Č, dÕhypersensibilit et de ractions de sursaut rapports de faon presque unanime, mais exacerbs chez Madame Y.B., Madame L.C. et leur mre. Les ractions de sursaut taient portes sur les stimuli sonores (sonnerie de tlphone, vitesse excessive, grincement de pneus de voiture, bruit dÕhlices dÕhlicoptre, sirnes dÕambulance).
Dans le DSM IV, le diagnostic dÕE.S.A. repose sur cinq critres :
- critre A : vnement traumatique et souffrance qui en dcoule,
- critre B : au moins trois symptmes dissociatifs aigus,
- critre C : avoir vcu au moins un symptme de reviviscence,
- critre D : un vitement persistant,
- critre E : un tat dÕalerte permanent,
et sur le fait que la perturbation dure un minimum de deux jours et un maximum de quatre semaines.
PENDANT LES PREMIERES SEMAINES :
1 Š CRITERE A :
LÕvnement traumatique tait vcu avec horreur, impuissance et peur intense.
A ce propos, certains auteurs font de lÕeffroi un signe presque pathognomonique du traumatisme et considrent que le traumatisme peut sÕaccompagner aussi bien dÕun stress adapt que dpass (7).
2 Š CRITERE B :
La symptomatologie dissociative telle quÕelle est dfinie dans le critre B est retrouve chez la totalit des membres de la famille (voir tableau I).
HOROWITCH met lÕaccent sur les ractions dissociatives dans le diagnostic dÕE.S.A. et la porte avec laquelle elles prdisent la survenue dÕun E.S.P.T..
DÕautres auteurs (8), partir de multiples tudes cliniques, sont arrivs la mme conclusion.
Nous remarquons que chez la quatrime fille, Madame Y.B., la sixime, Madame L.C., et chez leur mre, Madame Z.M., la dissociation tait vcue intensment Š et de faon prolonge chez Madame Y.B. -, avec des scores levs respectifs de 5, 4 et 4 (voir tableau I).
Certains auteurs soulignent que la persistance de la symptomatologie dissociative aigu prdit la survenue de lÕE.S.P.T.. (KOOPERMAN et All).
Conclusion :
A partir de la confrontation des donnes de la littrature, nous pouvons avancer lÕhypothse suivante : la symptomatologie dissociative retrouve chez lÕensemble de la famille peut prdire la survenue ultrieure dÕun E.S.P.T., mais avec une forte probabilit chez Madame Y.B., Madame L.C. et chez leur mre, Madame Z.M..
3 Š CRITERE C :
Les trois quarts de la famille rpondent au critre C qui dfinit la reviviscence (voir tableau II).
Il est mentionn dans le DSM IV, pour le diagnostic dÕE.S.A., que la dtresse rsultant de la reviviscence nÕest pas requise, alors quÕelle lÕest dans lÕE.S.P.T..
La reviviscence a t vcu des degrs dÕintensit variable, elle tait plus accentue et accompagne de dtresse chez Madame Y.B., Madame L.C. et chez leur mre, Madame Z.M., avec un score respectif de 3, 5 et 4.
Beaucoup dÕauteurs soulignent que la reviviscence des symptmes dans la phase traumatique immdiate peut tre prdictive dÕun E.S.P.T..
Pour certains (9), ces symptmes sont quasiment pathognomoniques de lÕE.S.P.T.. Pour dÕautres, lÕextension des intrusions initiales sont prdicateurs dÕun futur E.S.P.T., dpend en partie de la prsence de lÕvitement durant la phase aigu.
Conclusion :
A partir de ces symptmes de reviviscence, nous pouvons poser comme hypothse que les trois quarts des membres de cette famille peuvent prdire la survenue ultrieure dÕun P.T.S.D.. Tel diagnostic est plutt favorable pour Madame Y.B., Madame L.C. et leur mre, Madame Z.M..
4 Š CRITERE D :
Toute la famille rpond au critre D (voir tableau IV) qui dfinit lÕvitement. Celui-ci porte surtout sur le lieu de lÕaccident puis lÕabandon de la maison par la mre.
Pour certains auteurs, lÕvitement exerc de manire excessive peut empcher les traitements motionnels des souvenirs traumatiques. De ce fait, lÕvitement est dcrit comme un des premiers prdicateur de lÕE.S.P.T. chronique.
Conclusion :
Hypothse : lÕvitement du lieu de lÕaccident et de la maison par la famille peut prdire la survenue ultrieure dÕun E.S.P.T..
5 Š CRITERE E :
Il dfinit la prsence de symptmes anxieux persistants ou bien des manifestations neurovgtatives (voir tableau III).
Ces deux groupes de symptmes sont retrouvs de faon unanime chez cette famille.
Ces symptmes de vigilance sont retrouvs avec un score trs lev (5/5) chez Madame Y.B., Madame L.C. et leur mre, Madame Z.M..
Le trouble du sommeil, prolong (pendant plusieurs jours), est prsent chez les trois quarts de la famille (la premire fille, Madame F.M., la deuxime fille, Madame F.Z., la troisime fille, Madame A.K., la quatrime fille, Madame Y.B., la sixime fille, Madame L.C., et la mre, Madame Z.M.).
WEISAETH a prouv que la persistance de lÕanxit et des troubles du sommeil deux semaines aprs lÕvnement traumatique tait prdictive dÕun E.S.P.T..
SHALER prdit lÕE.S.P.T. partir de lÕimportance potentielle des symptmes de vigilance initiaux.
Conclusion :
Nous pouvons avancer lÕhypothse que les trois quarts de cette famille peut prdire la survenue dÕun E.S.P.T., notamment chez Madame Y.B., Madame L.C. et leur mre, Madame Z.M., o les scores sont importants.
6 Š Nous rappelons que le DSM IV stipule que dans lÕE.S.A., la perturbation dure un minimum de deux jours et un maximum de quatre semaines.
LÕensemble de la famille rpond au paramtre temporel.
TABLEAUX ET INTERPRETATIONS
HISTOGRAMMES ET CAMEMBERTS
TABLEAU I
FAMILLE
SYMPTOMES DE DISSOCIATION |
F.M. 1re
|
F.Z. 2e |
A.K. 3e |
Y.B. 4e |
F.L. 5e |
L.C. 6e |
N.M. 7e |
MERE |
STUPEUR TORPEUR DETACHEMENT
|
+ |
++ |
+ |
+++ |
+ |
(-) |
+ |
(-) |
REDUCTION DE LA CONSCIENCE
|
+ |
+ |
+
|
+++ |
+ |
+ |
++ |
+ |
DEPERSONNALISATION
|
(-) |
(-) |
(-) |
+++ |
(-) |
++ |
(-) |
++ |
DEREALISATION
|
(-) |
+ |
+ |
+++ |
(-) |
+++ |
+ |
+++ |
AMNESIE
|
(-) |
(-) |
(-) |
+++ |
(-) |
+ |
(-) |
+++ |
SCORES DES SYMPTOMES |
2 |
3 |
3 |
5 |
2 |
4 |
3 |
4 |
SCORES INTENSITE DISSOCIATION |
MODERE (1) |
IMPORTANT (2) |
MODERE (1) |
TRES IMPORTANT (3) |
MODERE (1) |
TRES IMPORTANT (3) |
IMPORTANT (2) |
TRES IMPORTANT (3) |
(-) NUL (0)
+ MODERE (1)
++ IMPORTANT (2)
+++ TRES IMPORTANT (3)
TABLEAU II
FAMILLE
REVIVISCENCE |
F.M. 1re
|
F.Z. 2e |
A.K. 3e |
Y.B. 4e |
F.L. 5e |
L.C. 6e |
N.M. 7e |
MERE |
SOUVENIR REPETITIF IMAGE-PENSEE
|
- |
+ |
+ |
++ |
-
|
+++ |
+++ |
+++ |
REVE REPETITIF
|
- |
-
|
-
|
-
|
- |
++ |
-
|
-
|
SENTIMENT DE REVIVRE LÕEVENEMENT PAR ILLUSION, HALLUCINA-TION, FLASH-BACK
|
- |
- |
- |
- |
- |
+++ |
- |
++ |
SENTIMENT DE REVIVRE LÕEXPERIENCE
|
- |
- |
+ |
+++ |
- |
+++ |
+++ |
+++ |
SOUFFRANCE LORS DE LÕEXPOSITION A CE QUI PEUT RAPPELER LÕEVENEMENT
|
- |
- |
- |
++ |
- |
+++ |
- |
+++ |
SCORES DES SYMPTOMES
|
0 |
1 |
2 |
3 |
0 |
5 |
2 |
4 |
SCORES INTENSITE REVIVISCENCE |
NUL (0) |
MODERE (1) |
MODERE (1) |
TRES IMPORTANT (3) |
NUL (0) |
TRES IMPORTANT (3) |
TRES IMPORTANT (3) |
TRES IMPORTANT (3) |
(-) NUL (0)
+ MODERE (1)
++ IMPORTANT (2)
+++ TRES IMPORTANT (3)
TABLEAU III
FAMILLE
VIGILANCE ACCRUE + ACTIVITE NEURO VEGETATIVE |
F.M. 1re
|
F.Z. 2e |
A.K. 3e |
Y.B. 4e |
F.L. 5e |
L.C. 6e |
N.M. 7e |
MERE |
DIFFICULTE DÕENDORMIS-SEMENT OU SOMMEIL IN-TERROMPU
|
+ |
+ |
+ |
+ |
- |
+ |
- |
++ |
IRRITABILITE OU ACCES DE COLERE
|
++ |
- |
+ |
+ |
+ |
+++ |
- |
+++ |
DIFFICULTE DE CONCENTRATION
|
- |
+ |
- |
+++ |
- |
+++ |
++ |
+++ |
HYPERVIGILANCE
|
- |
+
|
+ |
++ |
-
|
+++ |
- |
+++ |
REACTION DE SURSAUT EXAGEREE
|
- |
++ |
++ |
+++ |
- |
+++ |
- |
+++ |
SCORES DES SYMPTOMES
|
2 |
4 |
4 |
5 |
1 |
5 |
1 |
5 |
SCORES INTENSITE VIGILANCE ACCRUE |
IMPORTANT (2) |
IMPORTANT (2) |
IMPORTANT (2) |
TRES IMPORTANT (3) |
MODERE (1) |
TRES IMPORTANT (3) |
MODERE (1) |
TRES IMPOR TANT (3) |
+ MODERE (1)
++ IMPORTANT (2)
+++ TRES IMPORTANT (3)
TABLEAU IV
FAMILLE
EVITEMENT |
F.M. 1re
|
F.Z. 2e |
A.K. 3e |
Y.B. 4e |
F.L. 5e |
L.C. 6e |
N.M. 7e |
MERE |
EVITEMENT DE * PENSEE * SENTIMENT * CONVERSATION 37,5 % |
- |
- |
- |
- |
- |
+ |
+ |
+ |
EVITEMENT DÕACTIVITE OU DE SITUATION 50 % |
- |
- |
- |
+ |
- |
++ |
++ |
+++ |
SCORES DES SYMPTOMES
|
0 |
0 |
0 |
1 |
0 |
2 |
2 |
2 |
SCORES INTENSITE EVITEMENT
|
NUL (0) |
NUL (0) |
NUL (0) |
MODERE (1) |
NUL (0) |
IMPORTANT (2) |
IMPORTANT (2) |
TRES IMPORTANT (3) |
NUL (0)
+ MODERE (1)
++ IMPORTANT (2)
+++ TRES IMPORTANT (3)
TABLEAU V COMPARATIF DES FREQUENCES DES SYMPTOMES DÕE.S.A.
OBSERVES DANS LE CAS CLINIQUE
COMPAREES A CELLES DECRITES DANS LA LITTERATURE (5)
|
CAS CLINIQUE |
TEMOINS DÕEXECUTION |
SURVIVANTS DÕACCIDENT DE VOITURE
|
SURVIVANTS DE CRASH DÕAVION |
SURVIVANTS DE TREMBLE-MENTS DE TERRE |
SURVIVANTS DÕEMBUSCADE |
DISSOCIATION DEPERSONNALISATION
|
37,5 % |
40 % (FREINKEL et Al, 1994) |
31 % (NOYES et Al, 1997)
|
54 % (SLOAN, 1988) |
25 % (CARDENA/ SPIEGEL, 1993) |
|
DEREALISATION
|
75 % |
53 % (FREINKEL/ SPIEGEL et KOOPMANN, 1994)
|
30 % (NOYES/KLETTI, 1977) |
30 % (NOYES/KLETTI, 1977) |
40 % (CARDENA/ SPIEGEL, 1993) |
|
AMNESIE DISSOCIATIVE
|
37,5 % |
|
|
|
29 % (CARDENA/ SPIEGEL, 1993)
|
57 % (FEINSTEIN, 1989) |
REVIVISCENCE PENSEES INTRUSIVES (E.S.P.T.)
|
75 % |
|
|
71 % (SLOAN, 1988) |
39 % |
|
EVITEMENT PERSISTANT (SITUATION)
|
50 % |
|
50 % (BRYANT et HARVAY, 1996) |
|
30 % (CARDENA/ SPIEGEL, 1993) |
|
SYMPTOMES DÕHYPERVIGI- LANCE INSOMNIE
|
75 % |
|
|
68 % (SLOAN, 1988) |
44 % (CARDENA/ SPIEGEL, 1993) |
50 % (FEINSTEIN, 1989) |
DIFFICULTES DE CONCENTRATION
|
62,5 % |
|
|
|
71 % (CARDENA/ SPIEGEL, 1993)
|
|
IRRITABILITE
|
75 % |
|
|
71 % (SLOAN, 1988)
|
|
|
SURSAUTS EXAGERES
|
62,5 % |
|
|
70 % (SLOAN, 1988) |
36 % (SLOAN, 1988) |
93 % (FEINSTEIN, 1989)
|
|
SCORES INTENSITE(des symptmes) |
|
SCORES SYMPTOMES |
||||||||
FAMILLE |
DISSO CIATION
|
REVIVIS CENCE |
VIGILAN CE |
EVITE MENT |
TOTAL |
|
DISSO CIATION
|
REVIVISCEN CE |
VIGI LANCE |
EVITE MENT |
TOTAL |
1re F.M. |
1 |
0 |
2 |
0 |
3 |
|
2 |
0 |
2 |
0 |
4 |
2e F.Z. |
2 |
1 |
2 |
0 |
5 |
|
3 |
1 |
4 |
0 |
8 |
3e A.K. |
1 |
1 |
2 |
0 |
4 |
|
3 |
2 |
4 |
0 |
9 |
4e Y.B. |
3 |
3 |
3 |
1 |
10 |
|
5 |
3 |
5 |
1 |
14 |
5e F.L. |
1 |
0 |
1 |
0 |
2 |
|
2 |
0 |
1 |
0 |
3 |
6e L.C. |
3 |
3 |
3 |
2 |
11 |
|
4 |
5 |
5 |
2 |
16 |
7e N.M. |
2 |
3 |
2 |
2 |
9 |
|
3 |
2 |
1 |
2 |
8 |
MERE |
3 |
3 |
3 |
3 |
12 |
|
4 |
4 |
5 |
2 |
15 |
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LÕenqute smiologique a permis de dresser des tableaux par critre diagnostique dÕE.S.A., savoir :
- Dissociation (tableau I),
- Reviviscence (tableau II),
- Vigilance accrue (tableau III),
- Evitement (tableauV).
Les symptmes de chaque critre taient chiffrs en fonction de deux paramtres (ce qui apparat dans les quatre tableaux), savoir :
- Score des symptmes,
- Score de lÕintensit des symptmes,
reprsents par :
nul (0)
modr (+ ou 1)
important (++ ou 2)
trs important (+++ ou 3).
A lÕaide de ces tableaux, jÕai tabli des statistiques en pourcentage de chaque symptme, cela mÕa permis dÕune part de raliser des histrogrammes par grands thmes : dissociation, vigilance, reviviscence, vitement et, dÕautre part, de la comparer aux frquences dcrites dans la littrature (tableau V).
Ensuite, jÕai repris les paramtres scores des symptmes et scores dÕintensit des huit personnes intresss dans le cas clinique pour obtenir le tableau VI.
Les histogrammes ainsi formaliss nous permettent de visualiser et de mesurer le degr dÕintensit des symptmes et leurs scores.
De mme, le dtail par critres est repris avec les chiffres ainsi de visualiser encore plus finement lÕapparition de certains symptmes et leur degr dÕintensit chez toutes les personnes.
Puis, par rapport aux scores des symptmes, mme dmarche que pour lÕintensit.
Enfin, la ralisation dÕune courbe mesurant les totaux des scores (intensit-symptmes) obtenue pour chaque personne, nous permet de noter les scores importants raliss par :
- Madame Y.B. avec un score dÕintensit 10
un score symptme 14,
- Madame L.C. avec un score dÕintensit 16
un score symptme 11,
- Madame Z.M. avec un score dÕintensit 15
un score symptme 12.
Les trois pics de la courbe peuvent tre interprts par lÕhypothse suivante :
Plus les symptmes aigus sont importants et vcus intensment, plus ils prdisent au long terme au dveloppement ultrieur dÕun tat de stress post-traumatique (E.S.P.T.).
COMPORTEMENT SELON LES PERSONNES ET SELON LES CULTURES
Les comportements diffrent selon les personnes et selon le contexte culturel.
1 Š Comportement selon les personnes
Les ractions individuelles, immdiates ou diffres, chez les victimes directes ou indirectes dÕune catastrophe, peuvent prsenter tout lÕventail de la symptomatologie psychotraumatique, allant des ractions motionnelles brves des troubles beaucoup plus durables : E.S.P.T. et/ou comorbidit dpressive, anxiophobique ou hypocondriaque.
Le niveau de stress traumatique dpendra dÕun jeu de variables, les capacits individuelles dÕadaptation, le comportement durant lÕvnement traumatique et le degr dÕanticipation.
Il existe une variation inter-individuelle considrable, pour la vulnrabilit, ce qui est traumatisant ou non (15).
Les ractions de lÕindividu sont influences par un ensemble complexe de facteurs biologiques, sociaux, tempramentaux et exprientiels qui ont des effets positifs (rsilience) ou ngatifs (15).
La rsilience est la capacit de certains Ē rebondir Č et faire face aux effets dltres dÕun environnement hostile et agressif.
La plupart des auteurs sont en accord avec le modle selon lequel les traits de personnalit inter-agissent avec les comportements, qui sont eux-mmes dfinis par des actes observables et des penses ou des sentiments non observables.
L.A. CLARCK et All et D. WATSON et All, ont propos une structure hirarchique pour prsenter des traits de personnalit principaux : neurotisisme/nvrotisme ou motionalit ngative, extraversion ou motionalit positive.
Les termes de nvrotisme, affectivit ngative et motionalit ngative ont t utiliss pour dcrire un large aperu des dimensions de personnalit proposes comme ventuel facteur de risque pour lÕE.S.P.T., principalement parce que cette dimension reflte la sensibilit aux stimuli ngatifs (15).
Schmatiquement, on peut dire que le nvrotisme Ē dnote un manque gnral dÕintgration de la personnalit, dÕadaptabilit et dÕeffort gnral Č.
Il sÕagit de personnalits qui tolrent mal les agressions et dont la conduite a tendance se dsorganiser dans les situations de conflits ou de frustration, les traits principaux tant lÕanxit flottante, lÕhostilit, le pessimisme et lÕalexithymie (tat dÕinhibition irrationnelle sÕaccompagnant de difficults exprimer des sentiments).
LÕextraversion regroupe des traits de personnalit qui rappellent en partie la personnalit histrionique. LÕextraverti est typiquement un sujet sociable, impulsif et optimiste.
LÕintroversion regroupe plutt des traits Ē dysthymiques Č. LÕintroverti est typiquement un individu qui prsente des caractristiques psychologiques opposes celles de lÕextraverti, facilement anxieux, apathique, voire dpressif (16).
Nous avons remarqu que les ractions individuelles diffrent dÕune personne lÕautre dans cette famille :
- les personnes aux traits de personnalit plutt extravertis (motionalit positive), c'est--dire lÕpouse de la victime, Madame Z.M., deux de ses filles, Madame F.M. et Madame L.C..
Leurs ractions lÕvnement tragique se sont manifestes par un comportement totalement dsorganis avec :
* cris, hurlements, dcharges motionnelles vives et lamentations excessives,
* agitation, hyperactivit dsordonne incontrlable,
* gestes strotyps avec dbattement et automutilation,
* htro-agressivit,
* tat de transe.
- les personnes aux traits plutt introvertis (motionalit ngative, c'est--dire Madame Y.B. et Madame F.Z., qui ont ragi par :
* une attitude de prostration, inhibition, torpeur et stupeur,
* une attitude de repli et dÕisolement,
* une alexithymie.
2 - Comportements selon les cultures
Les peuples plus Ē simples Č, plus communautaires, sont plus naturels, plus spontans. Ils expriment plus directement et plus profondment leurs motions dans le cadre de conduites collectives dtermines et arrivent ainsi librer plus facilement leur fardeau(18).
Le comportement dsordonn, strotyp et incongru de lÕpouse et de la 1re fille de la victime, Madame F.M., ne sont que le reflet dÕun schma traditionnel appris.
Il faut souligner que cette famille dÕorigine algrienne est arrive en France en 1960. Madame F.M. avait alors 3 ans et a gard des liens charnels avec son pays dÕorigine et sa grand-mre chez qui elle retournait chaque anne.
En Algrie, le corps, lÕimportance gestuelle jouent un rle primordial dans la communication.
Le corps est richement investi symboliquement.
Les comportements auto-agressifs observs dans les moments tragiques ou manifestations de deuil dans la communaut maghrbine sont priss de la culture ambiante dÕorigine.
Ces manifestations se traduisent initialement par un mlange dÕabattement, de prostration, de recueillement, puis sont accompagnes par des dcharges motionnelles faites de cris, de pleurs, de sanglots, de gmissements et de lamentations fminines collectives (parfois assists de pleureuses) et ritualises avec griffures et auto lacrations du visage.
Ces manifestations prennent parfois un aspect de Ē transe hystrique Č.
Ces pratiques, par leur aspect collectif et hyper-expressif, apparaissent comme un catharsis (*), un exutoire motionnel (17).
(*) Catharsis : mot grec emprunt Aristote qui lui donnait le sens de purgation des passions. Employ pour dsigner les psychothrapies qui provoquent la disparition des symptmes en dclenchant lÕextriorisation verbale et motionnelle des traumatismes refouls.
CAS CLINIQUE
PARTIE II
CONSEQUENCES A MOYEN ET A LONG TERME
LES MOIS SUIVANTS
CONSEQUENCES A MOYEN ET A LONG TERME
La grande question est celle des consquences moyen et long terme lies lÕvnement traumatique.
Cette famille reprsente une mini population dÕtude que je vais essayer de dcrire de faon progressive sur douze mois.
1 Š Au dbut du deuxime mois
Madame L.C. me tmoigna de ses troubles anxieux que nous qualifierons dÕattaque de panique, troubles dclenchs, soit spontanment, soit au cours de conversation relatant le rcit de lÕaccident. Par moments, elle tait submerge et envahie par des sensations de malaise avec sensations de vertige, impression dÕvanouissement : Ē Je me sentais partir Č, pleur, nauses et tachycardie, impression dÕtouffement avec sensations de Ē souffle coup Č, peur de perdre le contrle de soi et dpersonnalisation : Ē Une partie de moi ne mÕappartenait plus, elle devenait trangre Č.
2 Š Au dbut du troisime mois
Madame L.C. me rapporta un lment supplmentaire important quÕelle qualifiait de visions : Ē En me rendant mon travail, je voyais des scnes dÕaccident sur lÕautoroute. Heureusement, je ne roulais pas vite et la circulation tait fluide. JÕai gard mon sang-froid. JÕai eu le Ē rflexe Č de mÕarrter sur la bande dÕarrt dÕurgence Č.
Madame Y.B. me dcrivit des troubles portant sur ses difficults de concentration et dÕattention : Ē Lorsque je roulais en voiture, il mÕarrivait de me tromper de route et de me tromper É Par moments, jÕavais des trous. Une fois, jÕai carrment oublier de rcuprer ma fille lÕcole maternelle Č.
LÕpouse de la victime, Madame Z.M., vitait de se rendre seule dans sa maison. Elle tait trs irritable avec des accs de colre. Elle me rapporta des plaintes somatiques multiples : Ē Je suis fatigue, jÕai des douleurs partout Č.
Monsieur N.M. resta en retrait, vitant la famille, prfrant rendre parfois visite son pre en solitaire.
Madame A.K. fit un long tmoignage que je rsume : une tumeur du sein avait t diagnostique un mois avant le drame, ncessitant une opration rapidement. Le drame retarda et diffra lÕintervention chirurgicale. Les radiographies de contrle montrrent que la tumeur avait doubl de volume. Aprs exrse de celle-ci, lÕexamen anatomopathologique ne dcela aucune malignit. Une semaine aprs, elle me rappela que lÕaccident de son pre tait survenu le jour mme de son anniversaire. Elle se sentait coupable dÕtre ne la date o la vie de son pre sÕtait teinte. Elle dit, en pleurs : Ē Dsormais, ce ne sera plus un jour sous le signe de la vie Č. Puis, aprs un long silence, elle ajouta : Ē De toute faon, ma naissance tait dj problmatique ; je nÕtais pas dsire par ma mre. Aprs la naissance de mes deux sĻurs, elle aurait prfr enfanter dÕun garon. Sa dception lÕa plonge dans une longue dpression. Face au drame, jÕtais face la mort, au danger et lÕabandon. Je me suis sentie coupable et angoisse de vivre Č.
Nos interventions, par lÕcoute, le soutien psychologique, la prise en charge dÕtats pathologiques (insomnie, anxit, dpression et somatisation), et par lÕaccompagnement grce auquel lÕide de la mort a pu tre amorce puis accepte, ont permis au travail de pr-deuil de commencer.
Pendant cette priode, lÕtat de sant de la victime sÕest encore dtrior, avec lÕapparition de complications secondaires.
Le dcs est survenu au bout de quatre mois et demi de coma vgtatif.
La perte de lÕtre cher a t accepte de faon moins tragique et moins dramatique, les pleurs et les lamentations taient exprims plus simplement.
A partir de ce moment, le travail de deuil proprement dit a pu dbuter.
3 Š Cinq mois aprs lÕvnement traumatique (15 jours aprs le dcs)
Madame Z.M., lÕpouse du dfunt, a regagn dfinitivement sa maison.
Elle me fit part de son ressenti concernant le dcs de son mari, des funrailles et de lÕinhumation de celui-ci en Algrie.
Elle me parla de son vcu personnel de la mort en France et celui de la communaut maghrbine en gnral.
Elle prsentait des troubles de la marche, se plaignait de douleurs et de paresthsies plantaires droites. Les radiographies demandaient par les spcialistes nÕont pas dcel de lsions. Un traitement banal base dÕantalgiques lui fut prescrit.
Madame Y.B. me tmoigne de sa tristesse, de son retrait, de son isolement, de son manque dÕintrt et dÕaffects, et dÕun sentiment de vide intrieur. Elle se plaignait de fatigue, dÕinsomnie et dÕanorexie avec amaigrissement important.
Elle dira aussi : Ē LÕimage de mon pre ne me quitte plus. Je suis irritable, je ne supporte plus le bruit, la tl É et mes problmes de concentration sont toujours l.
Elle me signala des troubles dÕordre gyncologique avec mtrorragies et douleurs pelviennes, survenus trois semaines aprs le dcs de son pre. Une consultation spcialise et une chographie abdomino-pelvienne taient sans particularit.
Madame A.K. a prsent galement un pisode marqu par une tristesse, une souffrance lÕvocation de son pre, et un languissement avec pleurs.
Madame L.C. a prsent de nouveau un pisode de reviviscence avec des penses Ē flash back Č.
Elle demeure irritable, vite toujours de parler dÕaccident.
6 Š Six mois aprs lÕvnement (un mois et demi aprs le dcs)
Sur le plan somatique, une fatigue est signale par presque tous les membres de la famille.
Chez Madame Z.M.., pouse du dfunt, on note une disparition des plaintes somatiques (douleurs plantaires) et de lÕinsomnie.
Elle demeure irritable avec accs de colre.
Chez Madame Y.B., on note une priode dÕanorexie et un pisode dpressif avec dsorganisation sociale et impossibilit dÕassurer son rle familial.
Chez Madame A.K., on note un pisode dpressif dont le facteur dclenchant a t une violente dispute avec sa mre. Elle a prsent un abaissement de lÕintrt et du sentiment de soi avec perte de lÕestime, autoreproches, ides dÕinutilit et de culpabilit.
Elle se sentait orpheline, abandonne, ce qui rveilla en elle un traumatisme ancien, celui de sa naissance non dsire.
Elle tmoigne : Ē Je vivais un double deuil, celui de mon pre et celui de ma mre. Au moment ou jÕavais le plus besoin du soutien de celle-ci, elle me rejeta Č.
Elle signale des douleurs vives au niveau de la fosse iliaque gauche. Une consultation spcialise et une chographie abdomino-pelvienne ont t pratiques, et se sont rvles sans particularits.
7 Š Neuf mois aprs lÕvnement (quatre mois et demi aprs le dcs)
Madame L.C. vite toujours les conversations o il est question dÕaccident.
Madame Y.B. prsente des penses, de faon rptitive, de son pre, vite les informations traitant de violence, dÕaccidents (de la route, catastrophe naturelle).
Chez Madame A.K., on note une normalisation de lÕhumeur, la disparition de la symptomatologie dpressive.
Il persiste quelques brefs pisodes anxieux rapidement rsolutifs.
A noter galement un pisode boulimique.
8 Š Douze mois aprs lÕvnement (sept mois et demi aprs le dcs)
A lÕvocation du pre, on note un languissement et des pleurs.
Madame A.K. et sa mre, Madame Z.M., sont irritables.
Madame Z.M., a prsent deux pisodes de reviviscence, de cauchemars, accompagns de dtresse intense.
Elle tmoigne : Ē Je fais des cauchemars. Sans mÕen rendre compte, je me suis retrouve hors de chez moi. Je hurlais, je voyais des ambulances et des gens partout Č.
A - ELEMENTS SEMIOLOGIQUES
Les lments smiologiques que nous pouvons relever de la priode allant du deuxime au douzime mois sont :
- symptmes de reviviscence, marqus par un sentiment de revivre lÕexprience traumatique et de souvenirs rptitifs accompagns de dtresse, dÕanxit et dÕactivation neurovgtative, observs surtout Madame Y.B. et Madame L.C. ; cette dernire a prsent des attaques de panique avec :
* exprience de dpersonnalisation et dralisation,
* peur de perdre le contrle de soi,
* impression dÕvanouissement et de vertiges,
* oppression thoracique et impression dÕtouffement,
* tachycardie, pleur et nauses.
Episodes de reviviscence par flash back et illusion chez Madame L.C..
Hallucinations chez la mre, Madame Z.M.,
- symptmes dÕvitement :
* vitement de place (maison) chez Madame Z.M.,
* vitement de la famille chez Monsieur N.M.,
* vitement de conversation (thmes dÕaccident) chez Madame L.C.,
* vitement dÕinformations relatant la violence, les catastrophes chez Madame Y.B.,
* rduction de lÕintrt et des affects chez Madame Y.B.,
* amnsie de la phase aigu de lÕvnement, seulement chez Madame Y.B.,
- symptmes de vigilance marqus par :
* des difficults de concentration chez Madame L.C. et Madame Y.B. ; cette dernire prsente aussi des troubles mnsiques,
* une irritabilit chez Madame L.C., Madame Y.B. et leur mre, Madame Z.M., avec accs de colre retrouvs chez cette dernire,
- manifestations dpressives :
* lies au travail de deuil,
* deuil compliqu avec dpression svre chez Madame A.K. et Madame Y.B.,
* dpression du post-partum chez la mre ( la naissance de la fille A.K.) ?
- plaintes somatiques multiples :
* douleurs osto-articulaires rapportes par Madame Z.M. (la mre),
* douleurs abdomino-pelviennes rapportes par Madame Y.B. et Madame A.K.,
- anorexie, boulimie.
A partir de la smiologie clinique, nous pouvons avancer le diagnostic dÕE.S.P.T. chez Madame Y.B., Madame L.C. et la mre, Madame Z.M., diagnostic que nous allons essayer dÕtayer par des outils dÕvaluation.
B Š QUESTIONNAIRE DÕAUTO-EVALUATION
Ils ont t raliss retrospectivement six mois aprs lÕvnement (un mois et demi aprs le dcs).
1 - Q.E.D.P. (Questionnaire sur les expriences de dissociation pritraumatique) (19).
Il mesure lÕintensit de lÕtat dissociatif au cours de lÕvnement traumatitique et, dÕaprs MARMAR et WEISS (1997), la dissociation est lÕun des meilleurs indicateurs de stress aigu et un excellent prdicateur dÕun E.S.P.T..
Les scores obtenus chez toute la famille dpassent le Ē seuil clinique Č fix 15.
Il est trs significatif chez Madame Y.B. (non tmoin de lÕaccident), chez Madame L.C. et lÕpouse du dfunt, Madame Z.M. (tmoin de lÕaccident).
Nous dduisons, restropectivement, partir de ces scores que Madame Y.B., Madame L.C. et Madame Z.M.. avaient prsent des troubles dissociatifs trs significatifs, prdicateurs du dveloppement dÕun E.S.P.T..
2 - I.E.S.R. (Impact of Event Scale-Revised) (19)
Cet instrument de mesure propose une valuation de lÕE.S.A. et de lÕE.S.P.T..
Le Ē seuil clinique Č propos par lÕE.S.A. est fix un score total de 22, celui de lÕE.S.P.T. 36.
- le score obtenu chez toute la famille dpasse le seuil clinique fix pour lÕE.S.A.,
- pour lÕE.S.P.T. :
* (1) il est significatif chez Madame F.Z. (42), Madame A.K. (44), Monsieur N.M. (46),
* (2) il est trs significatif chez Madame Y.B. (56), Madame L.C. (68), Madame Z.M. (70),
LÕinterprtation de ces scores suggre donc la prsence dÕun trouble de stress post-traumatique chez les premiers (1) et chez les seconds (2), mais de faon trs prononce chez ces derniers (Madame Y.B., Madame L.C., Madame Z.M.).
CONCLUSION
a) - La smiologie clinique du 2e au 12e mois nous a permis dÕavancer le diagnostic dÕE.S.P.T. chez Madame Y.B., Madame L.C. et Madame Z.M. (la mre).
b) Les questionnaires dÕauto-valuation raliss restrospectivement (six mois aprs lÕvnement) et leurs interprtations partir des scores obtenus, ont permis :
- dÕune part, partir du Q.E.D.P., de nous renseigner sur les troubles dissociatifs prdicateurs dÕE.S.P.T. chez Madame Y.B., Madame L.C. et Madame Z.M., la mre,
- et dÕautre part, partir de lÕI.E.S.R., de nous renseigner sur la prsence de troubles de stress post-traumatique chez Madame F.Z., Madame A.K., Monsieur N.M., mais nettement plus significatifs chez Madame Y.B., Madame L.C., Madame Z.M., la mre.
Nous pouvons donc en dduire que, compte-tenu de la smiologie et des questionnaires dÕauto-valuation, les personnes qui prsentent un E.S.P.T. sont Madame Y.B., Madame L.C., Madame Z.M. (la mre).
c) - Les rsultats obtenus dans lÕtude de symptmes des critres diagnostiques de lÕE.S.A. a partir des deux paramtres (intensit des symptmes et scores des symptmes) ont montr que les symptmes aigus taient importants et vcus intensment par :
- Madame Y.B. : (intensit = 10 ; symptmes = 14),
- Madame L.C. : (16 Š 11),
- Madame Z.M., la mre : (15-12).
LÕhypothse pose tait : plus les symptmes aigus taient importants et vcus intensment, plus ils prdisent long terme le dveloppement ultrieur dÕun E.S.P.T..
Comme elles ont dvelopp un E.S.P.T., nous pouvons dire que lÕimportance des scores et leur vcu intense prdisposent la psychopathologie (E.S.P.T).
(Et ceci indpendamment de leur personnalit et de leur temprament).
Nous rappelons que :
- Madame Y.B. prsentait des traits de personnalit introvertie,
- Madame L.C., des traits de personnalit extravertie,
- Madame Z.M., des traits de personnalit extravertie.
QUESTIONNAIRE SUR LES EXPERIENCES
DE DISSOCIATION PERI-TRAUMATIQUE (Q.E.D.P.)
Q.E.D.P. rcapitulatif de toute la famille, ralis rtrospectivement six mois aprs lÕvnement traumatique.
1 : Pas du tout vrai
2 : Un peu vrai
3 : Plutt vrai
4 : Trs vrai
5 : Extrmement vrai
FAMILLE
QUESTIONNAIRE |
NON TEMOINS |
TEMOINS
DIRECTS |
||||||
F.M. 1er |
F.Z. 2e |
A.K. 3e |
Y.B. 4e |
F.L. 5e |
L.C. 6e |
N.M. 7e |
MERE |
|
1. Il y a eu des moments o jÕai perdu le fil de ce qui se passait Š jÕtais compltement dconnect(e) ou, dÕune certaine faon, jÕai senti que je ne faisais pas partie de ce qui se passait. |
2 |
4 |
2 |
5 |
2 |
5 |
4 |
5 |
2. Je me suis retrouv(e) sur le Ē pilote automatique Č - je me suis mis(e) faire des choses que, je lÕai ralis plus tard, je nÕavais pas activement dcid de faire. |
3 |
4 |
4 |
5 |
3 |
4 |
2 |
5 |
3. Ma perception du temps a chang Š les choses avaient lÕair de se drouler au ralenti. |
2 |
2 |
1 |
4 |
1 |
4 |
3 |
1 |
4. Ce qui se passait me semblait irrel, comme si jÕtais dans un rve, ou au cinma, ou en train de jouer un rle. |
4 |
5 |
5 |
5 |
5 |
5 |
4 |
5 |
5. CÕest comme si jÕtais le ou la spectateur(trice) de ce qui mÕarrivait, comme si je flottais au dessus de la scne et lÕobservais de lÕextrieur. |
1 |
1 |
1 |
5 |
1 |
5 |
1 |
3 |
6. Il y a eu des moments o la perception que jÕavais de mon corps tait distordue ou change. Je me sentais dconnect(e) de mon propre corps, ou bien il me semblait plus grand ou plus petit que dÕhabitude. |
1 |
1 |
1 |
5 |
1 |
4 |
1 |
3 |
7. JÕavais lÕimpression que les choses qui arrivaient aux autres mÕarrivaient moi aussi Š comme par exemple tre en danger alors que je ne lÕtais pas. |
4 |
5 |
5 |
4 |
4 |
5 |
2 |
5 |
8. JÕai t surpris(e) de constater aprs coup que plusieurs choses sÕtaient produites sans que je mÕen rende compte, des choses que jÕaurais habituellement remarques. |
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9. JÕtais confus(e) ; cÕest--dire que par moment, jÕavais de la difficult comprendre ce qui se passait vraiment. |
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10. JÕtais dsorient(e) ; c'est--dire que par moment, jÕtais incertain(e) de lÕendroit o je me trouvais, ou de lÕheure quÕil tait. |
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SCORES
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ECHELLE DÕIMPACT DE LÕEVENEMENT REVISEE (I.E.S.R.)*
I.E.S.R. rcapitulatif de toute la famille, ralis rtrospectivement six mois aprs lÕvnement traumatique)
0 : Pas du tout
1 : Un peu
2 : Moyennement
3 : Passablement
4 : Extrmement
FAMILLE
DIFFICULTES EPROUVEES AU COURS DES 7 JOURS SUIVANT LÕEVENEMENT |
NON TEMOINS |
TEMOINS
DIRECTS |
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F.M. 1er |
F.Z. 2e |
A.K. 3e |
Y.B. 4e |
F.L. 5e |
L.C. 6e |
N.M. 7e |
MERE |
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1. Tout rappel de lÕvnement ravivait mes sentiments en rapport avec celui-ci. |
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2. Je me rveillais la nuit. |
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3. Diffrentes choses me faisaient y penser. |
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4. Je me sentais irritable et en colre. |
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5. Quand jÕy repensais ou quÕon me le rappelait, jÕvitais de me laisser bouleverser. |
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6. Sans le vouloir, jÕy repensais. |
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7. JÕavais lÕimpression que rien nÕtait vraiment arriv ou que ce nÕtait pas rel. |
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8. Je me suis tenu loin de ce qui me faisait y penser. |
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9. Des images de lÕvnement surgissaient dans ma tte. |
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10. JÕtais nerveux et je sursautais facilement. |
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11. JÕessayais de ne pas y penser. |
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12. JÕtais conscient dÕavoir encore beaucoup dÕmotions propos de lÕvnement, mais je nÕy ai pas fait face. |
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13. Mes sentiments propos de lÕvnement taient comme figs. |
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14. Je me sentais et je ragissais comme si jÕtais encore dans lÕvnement. |
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15. JÕavais du mal dormir. |
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16. JÕai ressenti des vagues de sentiments intenses propos de lÕvnement. |
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17. JÕai essay de lÕeffacer de ma mmoire. |
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18. JÕavais du mal me concentrer. |
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19. Ce qui me rappelait lÕvnement me causait des ractions physiques telles que des sueurs, des difficults respirer, des nauses ou des palpitations. |
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20. JÕai rv lÕvnement. |
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21. JÕtais aux aguets et sur mes gardes. |
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22. JÕai essay de ne pas en parler. |
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* (CITEE LE PLUS SOUVENT SOUS SON NOM ANGLAIS : Impact of Event Scale-Revised)
RESUME
CONSEQUENCES A MOYEN ET A LONG TERME
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CONSEQUENCES A MOYEN TERME (du 2e au 5e mois) |
CONSEQUENCES A LONG TERME (du 6e au 12e mois) |
SOMATIQUE
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- Fatigue - Douleurs osto-articulaires (mre) - Douleurs abdomino-pelviennes (YB) |
- Fatigue - Disparition des plaintes somatiques (mre et YB) - Douleurs abdomino-pelviennes chez AK |
AFFECTIF
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- Phase de travail de deuil : * priodes de languissement de lÕtre cher, accompagnes parfois de pleurs et dtresse, * sentiment de vide et de perte des repres, * anhdonie, tristesse, * anxit, * accs de colre. - |
- Evocation du pre et languissement, - Rduction de lÕaffectivit chez AK et YB, - Irritabilit et accs de colre. |
PSYCHOLOGIQUE ET PSYCHIATRIQUE
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- Anorexie/Boulimie - Anxit - E.S.P.T. (Madame L.C., Madame Y.B., Madame Z.M., la mre) |
- Dpression chez A.K. et Y.B.(*), puis stabilisation de lÕhumeur au 9e mois, - E.S.P.T. partiellement rsolu chez YB, LC et mre. |
FONCTIONNEMENT
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- Dsorganisation sociale, intrafamiliale et professionnelle |
- Modification de la vision, de la vie, du monde et remise en question des valeurs fondamentales, - Dsorganisation familiale |
(*) Dpression : chez Mme Y.B. et Mme A.K. : la 1re nous a livr peu dÕlments de son ressentit dpressif. Chez Mme A.K. on note un dsintret total, dvalorisation,ides de culpabilits et dÕautorepproches,ides dÕinutilits,fatigue,anorexie,douleurs pelviennes.
La depression de Mme A.K. peut etre interprte comme suit :
Il existe un facteur de vulnrabilit chez celle-ci li probablement une carence de soin maternel(depression de la mre) la prdisposant ainsi la depression actuelle survenue lÕoccasion de lÕvnement traumatique et au travail de deuil.
A ce sujet M.F. Bacqu souligne que le deuil est une sparation qui ractive toutes les pertes antrieures, son bon droulement dpend de la faon dont elles ont pu etre vcues,tolres et intgres. Le deuil est un facteur non ngligeable dans la dcompensation depressive morbide(20).
LA REACTION DE DEUIL
Le deuil est dfini comme la perte dÕun tre aim proche et significatif.
Le deuil est une exprience quasi universelle laquelle sont confronts, un jour ou lÕautre, la plupart des individus.
Il occupe le premier rang dans toutes les chelles des vnements de vie.
Dans le S.R.S.S. de HOLMES et RAPHE (1967), la mort du conjoint est au premier rang, le dcs dÕun parent proche au cinquime.
Le deuil est source de stress et de souffrance psychique, mettant lÕpreuve les dfenses et les ressources personnelles dÕadaptation, rvlant les vulnrabilits individuelles.
Le travail de deuil correspond une priode o les symptmes dpressifs, anxieux et traumatiques sont classiquement considrs comme non pathologiques dans la mesure o ils sont transitoires et spontanment rsolutifs.
Les tudes systmatises rcentes ont permis de prciser lÕhistoire naturelle de deuil dans la population gnrale, les particularits de chaque deuil selon la personne dcde, les circonstances de la mort, la personnalit de lÕendeuill, lÕentourage socio-familial (10) et, selon le contexte socio-culturel dont les tudes anthropologiques ont apport de nombreuses descriptions des processus et rituels de deuil (10).
Il faut rappeler que les travaux modernes sur le deuil ont commenc avec le trs clbre article de S. FREUD : Ē Deuil et mlancolie Č (1915-1917). Depuis lors, les trs nombreuses contributions dÕinspiration psycho-dynamique ont repos sur le texte fondateur (10).
Lorsque lÕon parle de raction de deuil, il est fait rfrence un processus qui assure trois fonctions :
- premirement, le deuil peut tre peru comme une fonction dÕexpression sociale des ractions de chagrin suite un dcs,
- deuximement, le deuil peut remplir une fonction dÕadaptation qui sert grer le stress induit par la mort,
- troisimement, le deuil peut galement assurer une fonction de transformation des rles sociaux, ce qui est devenu ncessaire pour lÕadaptation des endeuills la nouvelle ralit dans laquelle ils auront voluer suite au dcs.
Plusieurs auteurs ont tent de dcrire et de conceptualiser les fonctions du deuil et la manire dont les personnes cheminent travers le processus de deuil.
La perception du travail de deuil varie en fonction de la perception thorique que lÕon adopte, mais elle varie galement en fonction des transformations historiques qui sÕoprent lÕintrieur dÕun mme cadre thorique.
ETAPES ET TRAVAIL DE DEUIL
Le processus de deuil est un processus dynamique. Il ne sÕagit pas dÕun cheminement dont lÕordre et la squence sont linaires.
La priode de rsolution peut sÕtendre de plusieurs mois quelques annes (11).
Il existe actuellement un relatif consensus pour la description du droulement des processus de deuil.
On fait gnralement remonter J. BOWLBY et C.M. PARKES (1970) la premire description cohrente des phases de deuil (12) :
- la phase dÕengourdissement qui dure de quelques heures une semaine,
- la phase de languissement et de recherche de la personne perdue pendant quelques mois, parfois des annes,
- la phase de dsorganisation et de dsespoir,
- la phase de plus ou moins grande rorganisation.
Tous les auteurs distinguent trois tapes dans le droulement dÕun deuil :
- les premiers moments,
- lÕtape centrale avec tat dpressif et travail de deuil,
- la fin du deuil.
SILVERMAN (1961), C.M. PARKES (1970, 1972), P. CLAYTON (1973), S. ZISOOK et All (1983), sur la base de leurs tudes systmatiques des veufs et veuves, donnent la description suivante :
1 Š La phase dÕimpact et hbtude, qualifie de priode de choc pendant laquelle la stupfaction et la torpeur peuvent durer de quelques heures quelques jours, parfois quelques semaines (plus dÕune semaine seulement chez les femmes parentes dÕune personne dcde brutalement selon LEVY (1976)).
Pendant cette phase, lÕendeuill est engourdi, agit de faon automatique.
2 Š La phase de dpression et de repli que C.M. PARKES divise en deux temps, regret nostalgique et protestation, dsorganisation.
Cette phase dure entre plusieurs semaines un an.
La dpression avec irritabilit et agitation est au premier plan.
On dcrit aussi des vagues dÕmotion aigu, dÕaffects intenses avec souvent malaises somatiques, retrait social et obsession par lÕimage et le souvenir du dfunt.
3 Š La phase de rcupration, gurison, restitution.
LÕacceptation du dcs sÕaccompagne dÕune gurison avec rtablissement des intrts habituels, de lÕaptitude au plaisir, avec dsir de nouvelles relations.
Les endeuills ont souvent lÕimpression que le monde et leur vie ont quelque peu chang aprs cette perte.
S. ZISOOK, en 1987, donne une description des tapes de deuil par :
1 Š Choc, dni et incrdulit :
Le dni, dans cette phase, caractrise les ractions de deuil visant en outre retarder lÕchance de la perte.
Il se caractrise par un tat de torpeur ou dÕengourdissement motif.
Cette implication affective permet lÕendeuill de se protger contre les motions qui sont alors envahissantes (11).
2 Š Deuil aigu :
* tat motionnel intense,
* retrait social,
* identification au dfunt,
3 Š Priode de rsolution : acceptation de la perte.
LA DUREE DU DEUIL
Il est souvent admis que le deuil est achev en un an.
La dure dÕun deuil normal reste controverse. La plupart des chercheurs estiment que la dtresse de sparation et le travail de deuil avec la dpression diminuent au bout de quatre six mois (12).
LES REACTIONS DÕANNIVERSAIRE
Les endeuills manifestent une certaine intensification des symptmes, et une dtresse relle peut sÕobserver pendant quelques jours.
Si cette exacerbation symptomatique dpasse les quelques jours correspondant lÕanniversaire du dcs, cela signifie que le deuil sÕest compliqu avec symptmes de type anxieux, symptmes dpressifs et dÕlments psychotraumatiques (P.T.S.D.)(12).
Il semble admis que 20 % des deuils seraient des deuils compliqus.
A cette date dÕanniversaire, certaines endeuills cherchent aides auprs des proches et consultent leurs mdecins pour la prescription dÕun traitement.
DEUIL TRAUMATIQUE
Le critre diagnostique de ce type de deuil a t propos en 1999, lÕoccasion dÕune confrence de consensus.
LÕessentiel du deuil traumatique consiste dans lÕintrication dÕun psychotraumatisme avec E.S.P.T. et dÕune angoisse de sparation.
Ces deuils sont lÕorigine de complications psychosomatiques et psychiatriques, dÕo leurs recherches systmatiques afin que les endeuills puissent bnficier dÕun traitement appropri (13).
Pour le diagnostic du deuil traumatique, H.G. PRIGERSON, M.K. SHEAR, S.C. JACOB et All ont convenu comme critre :
- symptmes de dtresse de sparation :
* penses intrusives concernant le dfunt,
* dsir intense de sa prsence,
* recherche de cette personne disparue,
* sentiment intense de solitude,
- symptmes de dtresse traumatique :
* perte de projet pour lÕavenir et sentiment de futilit concernant le futur,
* sentiment dÕobscurcissement, de dtachement et dÕmoussement des affects,
* impossibilit dÕadmettre le dcs,
* sentiment de vide et dÕabsurdit,
* sentiment quÕune partie de soi est morte,
* clatement du monde avec une perte du sentiment de scurit, de confiance et de contrle,
* irritabilit excessive ou colre pour tout ce qui concerne la mort(13).
CRITERES DE DUREE
Ces symptmes vont durer pendant au moins deux mois.
Il nÕy a pas, pour lÕinstant, de critres de dlai dans lÕapparition du syndrome qui peut donc tre retard par rapport au stress initial li au dcs.
En effet, cet ensemble de critres doit faire lÕobjet de nouvelles validations.
Les tudes permettront de prciser quel est le moment optimal dÕvaluation (plusieurs mois aprs le dcs), et quel est le critre de dure de persistance des troubles (13).
APPROCHE CULTURELLE
Aucune socit traditionnelle, aussi Ē archaque Č soit-elle, n'abandonne ses morts sans spulture ni rites. Ceux-ci sont destins assurer au dfunt un parcours posthume favorable, et protger la communaut de rsidus psychiques indsirables.
Les modalits de rites varient souvent, moins en fonction des peuples et des poques que de lÕappartenance sociale, sachant quÕune socit traditionnelle est toujours hirarchise fonctionnellement en castes (21).
En Islam, au moment de lÕagonie, le mourant est orient vers la direction rituelle de la prire (en arabe, la qibla, direction de la Mecque).
Il doit sÕefforcer de tmoigner de lÕunit de Dieu jusquÕ ses extrmes possibilits. SÕil est trop faible, un proche lui lve lÕindex de la main droite et prononce pour lui, son oreille, voix basse, la formule qui tmoigne la foi de lÕIslam (en arabe, tawhid) : Ē Mon Dieu, pardonne É et place le un rang lev, parmi ceux qui ont t guids. Sois son remplaant auprs des membres de sa famille qui sont demeurs en vie. Pardonnes-nous, ainsi quÕ lui, Matre des Mondes, et fais de sa tombe un endroit spacieux et lumineux Č (22).
1 Š Coutumes et rites dÕoblations
En latin, oblatio signifie offrir.
Les Ē procdures oblatives Č concernant le dfunt, ont pour objet sa prparation en vue du voyage posthume qui lÕattend, et sa confrontation avec le monde des morts.
- La toilette mortuaire (en arabe ghusl) : le dfunt doit tre en tat de puret rituelle.
Aussi procde-t-on pour lui aux mmes ablutions que celles requises pour les prires coraniques.
LÕeau de toilette peut tre additionne de lotus et de camphre.
On parfume et on oint le dfunt lÕaide dÕencens et dÕaromates, particulirement sur le front, les paumes des mains, les genoux et la plante des pieds (22).
En Islam, la thanatopraxie est prohibe.
On vt le dfunt dÕune tunique, puis on le couvre dÕune toffe blanche.
Tout nĻud serr est proscrit.
Les linceuls peuvent tre multiples, mais en nombre impair (3,5,7).
- La veille funbre : elle alterne prires, silence, paroles dÕencouragement et de consolation des endeuills.
Elle consiste la rcitation de versets coraniques.
Certaines familles font appel des pleureuses (coutume tombe en dsutude).
Pendant la veille, des bougies sont allumes, les miroirs et les portraits sont voils.
- Les funrailles : pour la plupart des maghrbins, le dfunt est ramen et inhum dans son pays dÕorigine, dans sa ville ou village natal, avec ses anctres.
En Islam, la hte de lÕinhumation est recommande ; selon Hadith prothtique (parole rvle) : Ē Htez les funrailles ! SÕil sÕagit dÕune personne pieuse, cÕest un service que vous lui rendez. Si elle ne lÕest pas, vous soulagez vos paules dÕun fardeau malfaisant Č.
Il demande aux hommes dÕy participer jusquÕ lÕensevelissement, avec Ē foi et rsignation Č.
Il convient de souligner le contraste entre le prcepte traditionnel et le concept moderne qui contraint des dlais de plus en plus prolongs pour lÕinhumation des dfunts, notamment en raison de complications administratives.
Un certain nombre de prires sont dites lorsque le corps est plac rituellement dans la fosse.
- Le repas funraire : le soir de lÕenterrement, il est de tradition quÕun repas soit offert aux proches, aux voisins, aux pauvres.
Ce repas est accompagn dÕune rcitation nocturne du coran. On dit que cela enlve la terre qui aurait pu entrer dans la bouche du dfunt.
2 Š Dure du deuil
En Islam, la dure du deuil est de quarante jours. Le nombre 40 indique un changement dÕtat de lÕtre, rduit une quasi virtualit. A ce titre, il symbolise le passage troit de la mort la vraie vie.
Les quarante jours conscutifs au dcs sont un temps de solitude et de pnitence, avant la renaissance annonce.
Chez les musulmans, quarante jours aprs la mort, une prire communautaire est dite, consistant en la rcitation de sourates coraniques.
On observe que la valeur numrique de la lettre nasale Ē m Č (en arabe mm), initial du mot Ē mort Č (en arabe mawt) est 40. La forme graphique de cette lettre reprsente, dÕaprs Ren GUENON, Ē lÕtre compltement repli sur lui-mme Č (21).
Les funrailles ont une importance fondamentale pour les proches pour pouvoir commencer le travail du deuil. Car qui dit funrailles dit certitude que le proche est mort. La certitude que la mort est bien tablie est aussi et surtout la condition ncessaire lÕentre dans le travail de deuil.
3 Š Les rites funraires
Ils sont toujours articuls autour des mmes invariants anthropologiques, dsagrgation, agrgation (Jean-Paul GUETRY).
AujourdÕhui, dans le monde moderne, les rites funraires sont singulirement dpouills de leur apparat de jadis.
Dans la religion musulmane, le deuil est collectif.
Aucun musulman nÕest cens mourir isol, sans prise en charge de sa famille par la communaut, le concept fondateur tant la UMMA (communaut des croyants) (23).
Dans la communaut maghrbine, une grande solidarit culturelle, renforce par le dracinement, est organise autour de la famille :
- offrandes (sucre, caf),
- repas prpar par les voisins et amis,
aide financire et dmarches prises en charge par la communaut.
Dans la communaut algrienne, en particulier les algriens de la rgion orannaise, la fin du repas funraire, les hommes organisent une collecte dÕargent qui sera remis la famille endeuille.
Cette collecte aidera supporter les frais des funraires.
Cette pratique communautaire, par lÕaide et le soutien quÕelle apporte, contribue apaiser la douleur et consolide la communaut.
LorsquÕune famille est gravement traumatise par la perte dÕun proche dans une catastrophe (accident de la route, etcÉ), le deuil collectif permet le maintien dÕune ouverture suffisante la communication et aux changes, une attention suffisante accorde par chacun au sein de la famille la souffrance des autres, en particulier celle des enfants qui nÕest pas toujours visibles (24).
Nous retiendrons plus spcifiquement et particulirement, deux lments :
- la capacit parler du dfunt, le maintenir prsent dans les changes et dans les mmoires, mais sa place, cÕest dire une place qui appartient au pass et nÕenvahit pas trop le prsent et lÕavenir (24),
- la capacit ritualiser suffisamment la perte, par un puissant soutien au travail de deuil, pour chacun et pour lÕensemble familial, ainsi que par les rituels destins reconnatre et pleurer la perte.
Les funrailles constituent un vritable carrefour psychosocial du deuil (BACQUE, 1997 Š b). En donnant lÕautorisation de pleurer le dfunt, elles valident sa mort et permettent au groupe dÕautoriser le signalement des endeuills afin quÕils soient protgs pendant le temps de leur affaiblissement (25).
Il nÕy a pas si longtemps, et encore aujourdÕhui dans les traditions maghrbines, on pleure ostensiblement, on se griffe le visage, on se tape la poitrine. On pourrait penser des Ē crises dÕhystrie Č, mais ce nÕest pas le cas.
LÕIslam condamne et refuse ses marques ostentatoires, cela est presque un blasphme. Bien sr, il faut pleurer le mort, mais dignement, en silence.
En Islam, la notion de destine et de fatalit est prsente. La destine de tout un chacun est crite. Elle indique la trajectoire de la vie ds la naissance jusquÕ la mort. Elle est ainsi trace selon la volont de Dieu, auquel le croyant se soumet et accepte.
Le destin, lÕheure de la mort, sont crits. On dit en arabe, cÕest le MEKTOUB.
Le fait de penser que cÕest la volont divine aide mieux accepter lÕide de la mort et prendre conscience du caractre universel et irrversible de celle-ci (cela est vrai aussi dans dÕautres religions).
Un musulman convaincu, pour lui, la mort nÕest pas une fin en soi, ce nÕest que la fin dÕune vie terrestre. La vie dans lÕau-del, la Ē vie ternelle Č continue auprs de Dieu et le dfunt repose en paix dans un monde meilleur.
Pendant la phase mortem et post-mortem, les prires, les paroles dites par lÕImam ou Taleb (aumnier chez les chrtiens et rabbin chez les juifs) ont une importance capitale, apaisent et apportent un rconfort aux endeuills. Elles permettant aux individus, au groupe de vivre mieux les doutes et les incertitudes que gnre une catastrophe.
Les funrailles collectives permettent dÕtre pris en charge, dÕtre soutenu. Ils Ē obligent Č les endeuills donner une spulture dcente.
Dans le deuil post-traumatique, la perte dÕun proche dans un contexte traumatique augmente lÕtat de sidration qui conduit gnralement au Ē blocage Č du processus de deuil, traduit le refus de la perte. Les jours qui suivent vont se drouler sous le signe de lÕautopersuasion de la mort de lÕtre chri. Elle se heurte elle-mme la tendance naturelle qui consiste se rfugier dans le pass pour viter de penser la perte actuelle. Seule le rite social des funrailles va Ē dbloquer Č cette situation et permettre au sujet dÕentrer dans le travail du deuil(24).
A ce sujet, pour le fils unique du dfunt, Monsieur N.M. qui, au dbut, dniait la mort de son pre, ce fut un dchirement de voir le corbillard prendre le chemin de lÕaroport. Pour lui Š ainsi que pour toute la famille -, il avait Ē perdu Č son pre, Ē parti dans le nant Č. Monsieur N.M. nÕa jamais t en Algrie. Ce nÕest quÕune fois quÕil a enterr son pre dans sa terre natale prs de ses anctres, quÕil a trouv lÕapaisement, ses racines et son histoire. Monsieur N.M. savait o son pre reposait. Ce nÕtait plus abstrait. Il savait o il pouvait se recueillir.
Le fait quÕil ait visualis le rite funraire lui a permis de se Ē dbloquer Č et de commencer le travail de deuil.
Dans lÕIslam, le dfunt doit tre enterr le jour mme. De par leur dracinement, les maghrbins doivent entamer des dmarches pour pouvoir enterrer le dfunt dans son pays natal. Cela prend du temps et cÕest l que la communaut maghrbine parle de la mort nostalgique, la mort de lÕxil (en arabe, MUWT EL GHORBA).
Il est de tradition que le dfunt soit veill chez lui et que des prires soient rcites durant la nuit. Or, le dfunt leur est arrach. La dpouille est maintenue la morgue, donc au froid. Cela semble contre-nature pour les proches. Ils ressentent une violence de savoir que, pendant plusieurs jours, lÕtre chri va demeurer dans un Ē frigo comme un vulgaire morceau de viande Č.
La famille se sent dpossde de lÕtre bien aim, est frustre de ne pouvoir accomplir ce rite. Grce au soutien de la communaut, cette frustration est attnue.
Par les croyances religieuses, les pratiques ritualises et la symbiose communautaire, lÕendeuill est assist par sa famille, ses proches, ses amis.
Cette ambiance collective et fusionnelle faite dÕchange et dÕempathie Ē quivaut Č une forme de thrapie de groupe.
LÕtude du cas de cette famille (par la perte de lÕtre cher) permet un certain nombre de rflexions sur la survenue ultrieure dÕun tat de stress post-traumatique.
Tout dÕabord, on peut constater chez cette famille une constellation symptomatique qui nous montre quÕelle a prsent un tat de stress aigu, dpass pour certains. Trois membres de cette famille ont prsent un E.S.P.T. ce qui correspond un taux de 37.5%.
Il apparat que la raction de stress dpasse est plus souvent rvlatrice de squelles chroniques.
Il est vident que la svrit dÕun vnement est difficile mesurer, quantifier ou modliser.
Certains aspects symptomatiques de la clinique immdiate prdisent des squelles chroniques.
Ainsi, plus les symptmes aigus sont importants et vcus intensment, plus ils prdisent long terme au dveloppement dÕun tat de stress post-traumatique.
A travers cette approche dÕtudes empiriques bases sur des paramtres (scores symptmes et scores intensit), nous avons essay de montrer la relation de cause effet des symptmes aigus et du dveloppement dÕun tat de stress post-traumatique ultrieur, et dÕapporter ainsi une clarification modeste cette ambigut qui ne cesse de susciter des controverses.
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
(1) BRESLAN et Al : cit par Elisabeth WEBER et Nathalie PRIETO. Nervure, Numro 8, tome XIII, Novembre 2000, page 10.
(2) REY A. (sous la direction). Dictionnaire historique de la langue franaise. Paris, dictionnaire Ē Le Robert Č, 1998, cit par J.M. THURIN, stress pathologie et immunologie, page 15, Flammarion.
(3) LOUIS CROCQ. Neuropsy, N” spcial mars 2003, pages 6, 8, 9.
(4) DSM IV. Manuel diagnostic et statistique des troubles mentaux, 1994, pages 209 213.
(5) RICHARD A. BRYANT and ALLISON G. HARVEY. Clinical psychology review, volume 17, n” 7, pages 757, 773, 1997.
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